THE RIVER WILD WILL BE OUR LAST RIDE
De toute façon, c'est comme si j'avais toujours été mort.Chapter I ~ Childhood.
De ce qu'on a bien voulu me raconter, je suis né durant l'automne. Un horrible petit bébé. J'avais de trop grands yeux. Une trop petite bouche. La peau bien trop grise. Et pas de cheveux du tout. Je comprends mes parents. Je n'aurais pas aimé avoir un rejeton aussi laid.
Ma famille était plutôt riche. Alors imaginez tous les invités de marque qui ont défilé pour voir la catastrophe que j'étais. Ils se moquaient sûrement de moi derrière leur dos. Une grande disgrâce pour des gens mondains et sans reproches. Une source de conflits et de haine, une atmosphère malsaine, pour un nouveau-né. J'étais sensé devenir le nouveau patron de l'entreprise dirigée par mon paternel. Je devais avoir du succès auprès des femmes comme des hommes, et être un excellent orateur. A l'image de mon père.
Je ne remplissait aucun de ces critères.
J'étais une déception.J'ai grandi. Je me suis amélioré. J'ai fait des efforts, autant que j'ai pu.
A quatre ans, on ne me confondait plus avec un nain défiguré.
A six, une de mes camarades de classe m'a même dit que j'étais troisième sur la liste des garçons les plus mignons de l'école. Nous étions cinq, certes.
A dix ans, j'étais devenu parfaitement normal. Un petit blond parmi les autres. Mais je n'avais toujours pas la prestance désirée par mes géniteurs.
Et pendant tout ce temps, je m'étais réfugié dans les livres. J'avais presque terminé la bibliothèque de mes parents. On m'a dit que j'étais un génie. J'ai répondu que c'était faux, mais personne n'a voulu m'écouter. Ils m'avaient trouvé une qualité, pour éclipser mes tares.
Un génie dans la famille ! Ca ferait un grand médecin, ou un inventeur de renom ! Ils me souriaient tous en façade, pour cacher leur manque d'affection et faire semblant d'être fiers de leur fils.
A cette époque, je les dérangeai. Malgré leurs mimiques, je n'étais pas dupe. Il faut dire qu'entre-temps, j'avais gagné deux soeurs -
une très jolie, et une qui avait eu autant de chance que moi- et un splendide petit frère, portait craché de ses splendides parents. Il serait bien mieux que moi, en tant qu'héritier. Son destin était tout tracé. La seule chose à faire pour qu'il puisse en bénéficier était de m'éliminer.
Etrangement, je ne me suis jamais senti proche de ma soeur qui était laide. Elle restait dans l'ombre, mais était arrogante et vaniteuse. Elle ne me ressemblait pas.
Chapter II ~ Welcome to Lunacy
J'ai donc été envoyé ici, à onze ans. Peu m'importait. Je n'avais jamais aimé ma famille. Je n'avais jamais été malheureux. Je m'étais simplement employé à étouffer mes sentiments. Des mois que je n'avais prononcé un mot... Et personne n'y prenait garde. Ils se contentaient de m'offrir des livres et de faire semblant d'admirer mon intelligence. Je n'étais pas à ma place à la maison familiale, aussi la quitter me semblait logique. J'avais froid en permanence, là-bas. Pourtant, mon cerveau bouillonnait.
Quand je suis arrivé, j'ai eu l'impression d'être libéré d'une part et enchaîné de l'autre.
Une prestigieuse école, m'avait-on dit.
Où on allait me former pour que je puisse faire ce que je désirais. Sauf que je ne voulais rien. Je ne prononçait pas un mot, ne souriais pas, ne faisait pas la tête non plus. Les élèves ne tardèrent pas à me trouver étrange. Je réussis à me lier d'amitié avec certains d'entre eux. Les moins stupides.
Nous étions quatre. Le destin est bien fait, aucun de nous ne se ressemblait.
Zackary était un grand brun aux yeux bleu sombre, le genre dont l'apparence hurle '
je suis un bad boy' et qui fait s'évanouir les filles dont il n'a absolument rien à fiche.
Ashly, le plus gros, était un as de la cuisine, et passait son temps à bouffer. Il était banal, cheveux châtains et yeux noisettes.
Et le dernier,
Lye, le rigolo de la bande, possédait des cheveux roux flamboyants et des yeux verts.
Ensemble, on était
invincible.
Et aucun de nous n'arrivait à ce faire à ce monde.
Une joyeuse bande de décalés.
Ceux qui sortent du lot ont toujours quelques chose de spécial qui attire les gens. On voulait être en ma compagnie, ou plutôt être
vu en ma compagnie. '
C'est toujours bien d'avoir un pote qui est un génie. Ca fait intelligent.' J'avais appris à faire un sourire qui semblait tout à fait vrai. Je ne me plaignais pas. Et je ne faisait confiance qu'aux trois autres. C'est sans doute la période où j'ai été le plus heureux. Je vivais pour de vrai.
Je n'aimais pas dormir, et encore moins rêver. Le monde simple et joyeux que me montraient mes songes n'était qu'une cruelle illusion. Un stupide mirage pour les gosses. La solitude des ballades nocturnes était bien plus plaisante. Mon collocataire, Lye, était habitué au fait que je quitte la chambre en pleine nuit. De toute façon, il dormait comme un loir.
Et je hantais les couloirs déserts de l'académie. Finalement, ma vie n'a pas tant changé.
Et tout cela suivait un rythme perpétuel, étouffant, routinier et monotone. Mis à part les fois où nous sautions la grille, nous n'avions pas le droit aux sorties.
« Vous êtes tous des incapables. Si on vous force à étudier, vous détesterez cela. Mais si ça devient la seule échappatoire, le seul moyen de ne pas vous ennuyer comme des rats morts pendant les quelques années que vous passez ici, alors cela deviendra vital pour vous... »
Chapter III ~ Nothing left to say.
Mais avec l'adolescence, ce que je ressentais à commencé à vouloir sortir de la cage où j'avais scellé mes sentiments. Je voulais qu'on me voient tel que j'était. Oh, Zackary, Ash et Lye me connaissaient parfaitement. Et ils ressentaient la même chose que moi. Nous mettrons toute cette période sur le compte des hormones. Fallait bien se livrer à quelques expérimentations. C'était pas mal, ni rien. Mais on s'était interdit de tomber amoureux.
Cependant, tout cela me tuait à petit feu. J'avais l'impression que mon cerveau allait lâcher. Depuis peu, je n'avais plus de nouvelles de ma famille. J'avais besoin de me venger. Pour que mes parents me haïssent, qu'ils cessent de m'ignorer. Je ne voulais pas leur plaire -
bien au contraire. Je voulais juste qu'ils sachent que j'existait.
« Je ferais le nécessaire pour qu'on me salisse. Je serais le garçon le plus malsain de toute l'école. Ils auraient tellement honte de moi qu'ils auront envie de m'assassiner.»
J'avais 15 ans quand j'ai eu cette idée. Un professeur. Sans doute la pire chose qui me soit jamais passé par la tête. Ca m'était venu en cours de chimie, à force de voir le prof se démener pour me faire comprendre les lois physiques qui régissaient notre monde... En se penchant au-dessus de mon bureau. J'étais le seul à assister à son cours. Tous les autres séchaient. Tous des fils de riches à qui les études ne plaisaient pas. Une bande de crétins écervelés.
Je n'avais pas eu de mal à l'avoir. Quelques paroles avaient suffit à le faire bouillir pour moi. J'allais finir par croire à '
mon génie'. Et à chaque cours, nous finissions à nous rouler entre les bureaux.
Je me rappelle avec précision de tout ce qu'il disait. Que je ne devais en parler à personne. Que la découverte d'une telle relation lui vaudrait son poste. Que j'étais qu'un gamin. Il avait raison sur tous les points.
Parfois, j'avais quelques remords. Parce que j'avais prévu de tout dévoiler, un jour ou un autre. Je me fichais de savoir ce qu'il deviendrait. Mais je savais éperdument qu'il n'y aurait nulle part au monde où je pourrais me cacher après ça. Quoi que je fasse, où que j'aille, j'aurais sur la conscience un poids qui me pourrirait la vie. Je sentirais les regards accusateurs des autres.
J'étais aussi sale que je l'avais voulu. Et étrangement, cela ne me satisfaisait pas.
En parallèle, j'avais trouvé des tonnes de manières de faire ce que je voulais des personnes qui m'entouraient. Plus tard, je serais psychanalyste, et personne ne pourra m'en empêcher. Les garçons, les filles, les adultes, tous m'aimaient. Il suffisait d'un compliment, d'un sourire. En façade, j'étais un adorable enfant, aimé de tous ces proches. Je contribuais même au prestige de notre établissement.
« Nous avons accepté cet élève à 11 ans ! Et nous en avons fait un des meilleurs de ce pays ! »
Chapter IV ~ End of the masquerade.
Deux ans plus tard, j'ai tout dévoilé. Ca a commencé par une rumeur entre les élèves, qui est parvenue aux oreilles du Directeur. Il nous a convoqué. Le professeur à démenti. J'ai dit que c'était la vérité. Je le voyais paniquer, mais n'en retirai aucun plaisir. Il n'avait été qu'un outil, mais il semble que je m'étais attaché à lui. Le voir s'effondrer ainsi me donnait envie de vomir.
Contre toute attente, je n'ai pas été viré. Lui, oui. J'ai agité mon mouchoir depuis le bord de la route, tandis que sa carriole s'éloignait. Il me maudissait sûrement. Tant pis pour lui.
C'est aux adultes de freiner leurs cadets. Il était stupide de se laisser bercer par des paroles empoisonnées, de céder aux caprices d'un enfant. Je ne l'avais jamais aimé, et il le savait pertinemment.
Chapter V ~ Only cowards are allowed to brake.
Je ne me rappelle plus vraiment de ce qu'il s'est passé ensuite. La vie a continué. Lunacy était un immense terrain de jeu. Je n'avais peur de rien. Je n'avais plus d'amis, à part bien sur les trois seuls qui me comprenaient. Nous nous amusions à faire criser nos profs, nos camarades. Passions nos journées allongés dans le parc.
J'avais 17 ans. La haine contre le monde, la tête pleine d'ambition, et des idées pour tout faire exploser.
« Je ne serais comblé que quand je verrais les flammes ravager des contrées entières.»
Est venu ce jour. En fouillant la bibliothèque, nous avions trouvé un recueil d'anciennes légendes. Et ce dernier affirmait que '
sous le Lac dormait un trésor inestimable'. Ce ne fut pas difficile de trouver l'équipement nécessaire à la plongée. En moins de deux, Zackary et moi nagions vers le centre du Lac. Ashly et Lye étaient restés dans la barque, au-dessus de nous. Histoire de nous assurer, qu'ils disaient.
Nous sommes descendus, jusqu'à ce que nous ne voyions presque plus rien, tant l'eau était sombre. Nous n'étions pas attachés l'un à l'autre, mais nous tenions fermement par la main. Tout au fond, nous sommes parvenus à une grotte dans laquelle se trouvait une bulle d'air. Et mieux encore, un trésor. Certes, ce n'étaient que quelques coffres vides et chandeliers en fer, mais... C'était une découverte fabuleuse. J'ai tout simplement eu l'impression de redevenir un enfant.
Ca n'a pas duré. Nous étions des idiots. Il y avait deux endroits pour pénétrer dans la grotte. Celui que nous avions emprunté, et un petit boyau à côté. J'ai proposé à Zackary de faire la course. On voyait de la lumière, à la fin du tunnel, donc je ne risquait rien... Nous sommes partis à toute vitesse, au 'top!', chacun de notre côté, avides de retrouver la surface, de rentrer victorieux.
Je me demande combien de temps avant que je n'écorche mes épaules et mes hanches contre les parois râpeuses du tunnel. Combien de temps avant que je ne réalise que j'étais coincé. Combien de temps es-ce que je me suis débattu avant que la pierre n'arrache mes bouteilles et ma combinaison. Combien de temps avant que la dernière bulle d'air ne quitte mes poumons.
Combien de temps es-ce qu'il m'a attendu avant de regagner la surface.T'as gagné, Zack...
Epilogue ~ Six feets underwater.
Ils n'ont pas du replonger. Donc pas du retrouver mon corps, qui doit pourrir encore dans le boyau. Quant à moi, quelque chose m'a retenu. Allez savoir quoi. On raconte que les fantômes sont des morts qui ont encore un souhait ou une action à réaliser. Plutôt difficile, quand on est un ectoplasme.
Ca va bientôt faire 20 ans que je suis là, à hanter Lunacy. La plupart des élèves peuvent me voir. Je m'ennuie un peu.
J'aurais préféré mourir pour de vrai.
Je suis désolé. Professeur, Lye, Zack, Ash...