Wo l'aut, hé.

Un engrenage rose à paillettes, ça pète sa race.

Je l'avais entendu arriver de loin. Faut dire que question discrétion, y'avait pas pire que lui. Il était aussi léger qu'un éléphant. Je souris intérieurement. Ca allait être divertissant.

Pourquoi j'étais là ? C'est simple. J'étais passé voir le dirlo, quelques minutes auparavant. Il voulait me parler, apparemment. Une histoire de torches, de nouveaux élèves et de tremblement de terre. Ouais, bon. Je l'avais écouté trois secondes, et ça m'avait gavé. En gros, il m'engueulait parce que j'avais pas fait mon boulot correctement -c'est-à-dire que je lui avait pas rapporté les faits et gestes de sa secrétaire à temps, et que du coup, elle était partie dîner avec un autre... En jupe, vous voyez. En jupe, hé, ça craint. Ca veut tout dire.

Qu'il peut être stupide.
Revenons à nos brebis.

Le gus contemplait un engrenage rose à paillettes. Je pouffais intérieurement. Il avait l'air de vachement lui plaire, vu la façon dont il le regardais. Gaaaaay. Et là, d'un coup, j'ai eu juste envie de me glisser derrière lui et de le faire flipper un bout. Juste pour le fuuun. Je sais, c'est assez chelou comme envie, mais on se passera de commentaires. Tout ça, c'est à cause de Zack, avec ses putaing d'idées à la con.

Je m'approchais donc, tel le serpent prêt à mordre. (Ha. Ha.)
Et je soufflais, juste derrière sa nuque, d'une voix d'outre-tombe à glacer le sang (Re ha. Ha.) :

Faggot faggot faggooooooot.

C'était quand même plus poli en anglais. Je trouve.
Le gus sursauta et se mit à hurler, ce qui eut pour conséquence de déclencher mon hilarité. Oh, putaing, le mec qui se la jouait trop, à base de cheveux longs et de torse à moitié dénudé, venait de lâcher un cri de fillette. Dans le genre aiguë et hystérique. Je me tenais les côtes (façon de parler) et des larmes perlaient à mes yeux.

Ce mec pouvait quand même pas être une victime, si ? Nan, il avait pas du tout l'attitude pour ça. Je frottais mes globes oculaires et me redressait lentement. Vu que j'avais pas besoin de respirer, mon éclat de rire prolongé ne m'avait pas coupé le souffle. Et là, je rencontrais le regard furibond qu'il me lançait. Je repartis dans ma crise de rire. Me re-calmais.

Ca va, mec, je vais pas t'agresser.

Ses yeux pleins de haines me plaisaient bien. Leur expression, je veux dire. Sans doute mon instinct de masochiste qui s'agitait au fond de mes entrailles transparentes. Je lui tendis la main, façon "je suis gentil", avec mon grand sourire de taré.

Je m'appelle Eliott. Enchanté.

RIRA BIEN QUI RIRA LE PLUS.

Trop de haine tue la haine.

Le gus a tenté un poing dans mon estomac. J'ai hésité à me remettre à rire. Du coup, ma gorge à produit un bruit moult étrange, à base de grognement et d'éclat hystérique. Il a pas relevé. Hmpf.

Ah , je vois , t'es ce con de fantôme ? Je m'en tape de savoir ton nomn , moi c'est Adam , mais je suis beaucoup plus beau que Adam celui d'Eve. Au fait , ça veut dire quoi faggot ?

Décortiquons tout ça. Qu'a-t-il sous-entendu dans ses phrases ?
"Ce con de fantôme". => Tu vas payer. Et j'ai déjà entendu parler de toi.
"Je m'en tape de savoir ton nom" => Je te hais.
"Moi c'est Adam" => Mais je t'honore de mon nom.
"Beaucoup plus beau que l'Adam d'Eve" => Je suis gay, tu me trouves smexy ?
"Ca veut dire quoi Faggot ?" => Je suis trop con.

Une de mes occupations favorites, c'est d'analyser le comportement des gens. J'avais de sérieux doutes quant à quelques unes de mes transcriptions de cette fois-ci, mais peu importe. Je partais du principe que tout ce que je déduisait était plus ou moins juste.
Du coup, il me haïssait, tout en me supportant, était gay et plutôt stupide. CQFD.

Qu'est-ce' tu fous là toi ? T'es pas censé hanter les châteaux ?

J'aurais mille fois préféré hanter un château. Franchement, ces élèves désabusés qui prennent pas peur au point de prendre leurs jambes à leur cou. Un hurlement prolongé, le bruit des pas sur le carrelage, des poings frappés contre les murs, et des sanglots étouffés, ça, ça m'aurait fait flipper.

C'est moi qui devrait t'agresser conna..

C'est ça, essaye donc.

C'toi le gay , gros con.

La, sa haine formait genre une aura autour de lui. Il suait l'envie de me tabasser, en gros. Je souris. Paaarfait. Il réagissait au quart de tour. C'était juste la perle rare.

Boaf. C'est tout ce que t'as à me sortir ?

Parce que, j'insiste, c'était une répartie à la con. Non, je vous jure, c'était tout sauf... Sauf impressionnant. Je mordais mes lèvres pâles, riant intérieurement. Ca faisait un bout de temps que je ne m'étais pas distrait de cette façon. N'importe quel adulte accompli et mature me dirait que c'est un amusement stupide et enfantin. Je n'en avait strictement rien à fiche.

D'ailleurs, je me demandais si Zack, Ash & Lye étaient devenus "des adultes accomplis et matures". Ca me foutrais les glandes, vous imaginez même pas. Putaing, mais c'est qu'ils devaient être mariés, maintenant. Avoir des gosses, une jolie maison et aller au boulot tous les jours en costard-cravate. Je fronçais les sourcils, mécontent de ma déduction.

Puis je secouais la tête. Passons, cervelet. Pas le temps pour une dépression post-mortem.

Je plantais mes yeux dans ceux d'Adam, un air de défi plaqué sur ma face blafarde.

Y'a pas mal d'engrenages du type rose pailletés dans la réserve. Tu veux que je t'y emmène ? Tu pourrais te faire un collier avec un petit. Ou des boucles d'oreille.

Ce serait super gaaay. Dans le sens cliché du terme, bien sur. De ce que mes souvenirs me rappelaient, j'étais pas trop en droit de critiquer.

Dans la vie, faut assumer.

IF YOU KNOW WHAT I MEAN.

Il boudait, ou je me gourais ? Nan, je me gourais, il avait juste trop la haine. Comme 100% du temps depuis que je lui parlais. Aha~

Je voudrais pas être trop violent avec toi , pétunia. Et puis , j'ai entendu parler de toi , et du professeur , si tu vois ce que je veux dire.

Mais c'est que c'est un humaniste ! Pacifique, qui plus est. J'hésitais encore quant à la transcription du mot "pétunia", mais penchais plutôt pour le genre "petit surnom visant à impressionner mon adversaire". Wo putaing, décidément, c'était le pied. J'étais limite à l'écoute d'une ligne de téléphone rose... Voulez-vous vous faire insulter par Adam ?
Ou alors, les mecs, c'était un début de poème. Je voudrais PAS être trop violent avec TOI, PétuNIA. Arf. Un romantique, mon dieu. Et les alexandrins, alors ?

A part ça, j'étais donc connu. Ma réputation m'avait précédé. Je fis une révérence, style gentleman, un sourire moqueur aux lèvres. Le sol gris se reflétait dans mes yeux, et je fis une grimace. En ayant la tête assez basse pour qu'il ne me remarque pas, bien entendu. Même si j'étais déjà décédé, c'était un réflexe de survie, vous captez ?
En me relevant, je lui lançai ;

Ravi de voir que tu me connais déjà.

Je me relevais, souriant toujours. En fait, cette vieille histoire me faisait un peu mal au coeur. Pour l'époque, j'avais déconné, et je m'en voulais un peu. Pas des masses non plus, n'exagérons rien. C'était surtout à cause de sa face dépitée, dans le bureau du directeur, ça m'avait donné la gerbe. Putaing. Même pas capable d'assumer sa connerie.

De toute façon, c'était toujours la même chose. Assumer. Personne n'y parvenait. Je fis la moue, haussait les épaules. Tant pis pour tout ces crétins qui ne méritaient pas leur petite vie de poltrons. Bordel, je les aurais défoncés, moi. Tous.
Calme tes nerfs, mec.

Je vois tout à fait ce que tu veux dire.

Mon sourire s'étira un peu encore. Un tuyau laissa échapper un peu de vapeur, les engrenages craquèrent. Et mes pensées négatives s'envolèrent d'un coup.

Pas la peine d'être jaloux. Si tu veux un prof, c'est pas très difficile...

Je trifouillais dans ma poche, et sortis un petit objet, que je lui lançai. En quittant mes doigts, il se matérialisa et vint le frapper à l'épaule. Une craie. Souvenir des cours de chimie.

Une craie, c'est comme une vieille boulette.

WRATH IS GOOD FOR HEALTH

PUTAING , mais tu vas pas bien ?! J'ai mal moi ! IF YOU KNOW WHAT I MEAN , BITCH PLEEEASE.

Mal, à cause d'une craie ? Je rêve. Ce mec est vraiment une mauviette finie. Je soupirais, histoire de montrer ma désapprobation. Tout en le regardant avec un regard moult condescendant. Mes yeux disaient juste "mon pauvre, t'es trop con", mais avec plus de finesse. Le summum du désespoir.

J'm'ennuie , t'es pas super cool , les fantômes dans les films sont mieux , ils font flipper ettout , toi , t'es genre un fantôme de maison de retraite , tu fais un 'bouh' et les p'tit vieux claquent d'une crise cardiaque d'un coup , ça doit être vachement drôle. IF YOU KNOW WHAT I MEAN².

Si seulement j'avais plus me déplacer jusqu'à une maison de retraite. Les vieux, ils sont pas chiants, ils zieutent des séries fleuves à la télé, ils bouffent de la purée et ils s'endorment à huit heures. Alors qu'ici, les élèves sont trop stupides. La plupart. Ils font genre ils sont grands, avec les pouvoirs merdiques qu'ils arrivent pas à maîtriser, à faire semblant de tirer sur leurs clopes alors que la fumée ne pénètre même pas dans leurs poumons, et à se foutre de la gueule de tous ceux qu'ils croisent. Putaing.

C'dommage que tu sois si con , t'es pas trop laid pour un fantôme. Haha~

C'était un compliment, non ?

Ha. J'en étais sur que t'étais gay...

T'entend ?

... Non ? Je me concentrais, et ne trouvais rien. Mais ça m'amusait de le voir paniquer. Et puis j'avais une idée de génie, vraiment. Je disparus quelques instants, pendant qu'il zieutait vers la porte, et l'ouvrais en grand. D'un seul coup. Elle ricocha sur le mur, avec un grand "baaaam", et je réapparut derrière le gus. Histoire d'être le meilleur spectateur de sa terreur mentale.