Les larmes coulaient sur ma peau, mes yeux étaient noyés dans cette eau salée, mes joues en portaient le passage. J’essayais pourtant de les stopper, mais c’était au-dessus de mes forces. Elles roulaient et tombaient sur ma peau toutes seules… Je devais absolument me contrôler si je ne voulais pas me noyer dans mon désespoir. Je pensais pourtant avoir pleuré toutes les larmes de mon corps, mais apparemment non. Il en restait encore un petit peu. Fichu yeux ! Fichu destin ! Fichu vie ! Fichu moi !! Pourquoi j’étais encore en vie avec toutes ces épreuves ?! Je me posais souvent la question auparavant, mais quand je suis rentré dans cette académie, elles se sont toutes envolées, toutes disparues. Mais aujourd’hui, les revoilà qui reviennent à la charge. Ne pouvaient-elles pas plutôt rester bien sagement dans le coin de mon cœur, et s’y terrer. Mais bien sûr que non ! Voyons Nownka, tu sais très bien qu’elles ne te laisseront jamais en paix. Tu ne le seras jamais. Toujours en conflit avec toi-même, c’est ta destinée. C’est ta vie.

Même avec les murs solides de la salle de bain qui me séparaient des autres, j’avais peur qu’ils entendent mes sanglots. Je devais partir dans un endroit calme et me laisser aller à mes passions. Pour oublier tout ça, pour oublier cette voix qui me disait de sauter du toit. J’étais à deux doigts de céder à la tentation. Elle était trop forte, elle m’attirait, comme le miel attire les abeilles. Je devais peut-être mourir en fin de compte. Oui surement.

Je me relevai du carrelage froid de ma chère salle de bain/chambre/laboratoire photo, me séchai (oui je venais de prendre ma douche), m’habillai d’un pantalon en jeans craqué, bien trop grand pour moi (un qui appartenait à mon grand frère), et d’un simple tee-shirt noir. Cette tenue me donnait un air de garçon manqué, mais je ne m’en souciais pas vraiment pour l’heure. Après tout, je vais juste sur les pas de ma mort.

Mes cheveux encore tout gorgés d’eau, se déplaçaient sur mon dos. Le tee-shirt commençait à être humide et me coller à la peau, mais tant pis, qu’importe ! Je marchais dans les couloirs pieds nus. Pour mes dernières minutes, je n’avais pas envie de me coincée les pieds dans des chaussures étriquées. Je voulais ressentir les sensations que j’avais quand je marchais sur le foin de la ferme, la paille dans les box des chevaux, les copeaux de bois fraichement éparpillés. Je voulais juste revivre quelques secondes.
Je tournais au hasard dans les couloirs, et ne croisai personne. Évidemment, à 3h20 du matin tout le monde est dans son petit pays des rêves. Je touchai une porte au passage, mais son bruit ne me plaisait pas, j’en frappai une autre. Celle la non plus, elle n’avait pas un beau bruit. Quelques autres bruits de porte se succédèrent avant que je trouve la bonne. Celle qui avait le bruit que je voulais entendre. Je l’ouvris alors et y pénétrai. Je voulais rester dans le noir alors la lumière resta éteinte. Je ne voyais pas grand-chose, juste la lune, par de-là les carreaux des fenêtres, m’appelait. Elle me demandait de la rejoindre, dans les cieux. Pour toujours.

Je mis un pied devant l’autre, comme une enfant qui découvre que des jambes ça se déplace, et ça peut permettre de bouger ! C’est, en caressant d’une main, les fauteuils qui se dressaient devant moi, de l’autre, défaisant ma queue de cheval, que j’arrivai sur le bord de la fenêtre. Je l’ouvris avec toute la force qui me restait. Je passai une jambe de l’autre côté du carreau entrebâillé. Puis tout le corps suivi. Je me retrouvai dans le froid de la nuit, du côté obscure de ma vie, de côté de ma mort. Je me tenais debout, sur le rebord de cette belle fenêtre. Je regardais la lune me sourire. Une dernière larme coula et s’écrasa sur mon pied nu. Je fermai les yeux et pour une fois ne pensai qu’au sol. L’endroit où mon corps allait se trouver quelques instants plus tard.

Mes mains lâchèrent les rebords…

Mes pieds raflèrent le béton dur du mur…. Le vent fit s’envoler mes cheveux…. Le bruit d’un glissement se fit entendre….

Mais ma chute ne dura pas aussi longtemps que je l’aurais pensée. Des mains, chaudes et douces, me retinrent. Des mains, tendres et pressées, me servaient de dernier fil, me reliant à la vie. Mes yeux se rouvrirent, pour ne voir que la lune me narguée dans l’obscurité de la nuit : tu vois, tu as loupé ton coup, pauvre dégénérée ! La prochaine fois essaye ce qui te répugne le plus : l’immolation par le feu ! D’ailleurs quelqu’un pourra peut-être t’aider pour ça…

Je fus remonté par une force prodigieuse, et en quelques secondes me retrouvai dans les bras d’un homme. Tout contre lui, coulée à son torse nu et chaud. Un homme ?! Je voulu me débattre, qu’il me lâche ! Qu’il ne me touche pas ! C’était à cause de lui si j’étais si seule, si malheureuse ! Il ne m’avait pas laissé le temps d’accomplir ma destinée ! Mais J’avais si peur qu’il me fasse du mal, j’avais si peur de la mentalité des hommes… Je voulais le frapper, l’éloigner de moi, mais mon corps ne répondait pas, il ne répondait plus. Je ne pus même murmurer un cri, une parole. Rien ne sorti. Seuls mes yeux le fixé, sans même le voir.

Il me parlait, mais je n’entendais pas, je n’entendais plus. Je sentis qu’il me posait sur quelques chose de rigide, ayant le touché du bois. J’étais tellement ailleurs, dans un état second, que je ne m'aperçue pas que j’étais assise sur une table. Quel cliché ! Vraiment ! Une fille, un mec, seuls dans la même pièce, confondu dans l’obscurité de la nuit. Il l’a sauvé, elle a passé un moment dans ses bras…. Fin de l’histoire, enfin de celle-ci en tout cas.

Mon pantalon était trop grand, je le perdais. Heureusement pour le peu de dignité qu’il me restait, mon tee-shirt était, lui aussi, long, ce qui fait que rien ne se remarquait, du moment que je reste assise. Une flamme s’alluma dans le néant de la pièce, et le visage de mon satan… Sauveur me fus révélé. Qu’elle fut ma surprise, quand je reconnu ce visage d’ange, à moitié caché par son cache œil. Tomohiko !

Lui, encore… Je ne savais pas si je devais être heureuse que ce soit lui qui m’ait sauvé, ou malheureuse que ce soit lui qui m’ait empêché d’accomplir mon devoir. J’étais perdue. Et puis toutes ces voix me donnaient mal à la tête. Terriblement mal au cœur. Quelque chose coulait dans mon dos et me donnait froid. Je frissonnais. Je tremblais.

Mon regard devait être totalement vide, comme l’intérieur de ma tête l’était. Paradoxalement, c’est l’idée de renouveler l’expérience du suicide qui ralluma une petite flamme de vie dans mes yeux, et réanima mon corps. Mes yeux étaient irrités par l’eau salée, ce qui m’obligea à les fermer et ouvrir plusieurs fois avant de voir un peu moins flou. Mes mains bougèrent et m’aidèrent à me relever. Je retombai sur mes pieds nus et avançai vers le jeune homme.

Je le regardai dans les yeux et crus y voir une étincelle de surprise. Je me collai à son torse en agrippant les bouts de sa chemise déchirée (tien, comment l’avait-il arraché ainsi ?), et le suppliai. Le priai pour qu’il me brûle…

« S’il te plaît, aides-moi. Tues-moi ! Je t’en supplie !! Ça ne te coute rien de m’enflammer avec tes flammes ! Je te prie ! Je n’en peux plus ! Achève-moi ! »

Mes larmes coulèrent de nouveau à flots, sans me demander leur permission ! Qu’elles enfants mal élevées ! Ma tête retomba sur le jeune homme et mes jambes se dérobèrent sous moi. Je tombai sur le sol en pleurant, aux pieds de Tomohiko.

C’était lamentable ! Ridicule et désespérant !