Le directeur avait choisi, en ce milieu d'année, de nous placer en fin comme nous le désirions dans les chambres. Je m'étais précipitée sur les listes pour être avec Aries, toutes les deux super contentes de pouvoir être ensemble, comme deux petites colocataires inséparables. Nous nous étions retrouvés toutes les deux dans la chambre B, mais n'avions aucune idée des deux filles avec qui nous serions. Mais tant que nous pouvions être toutes les deux, entre amies, tout irait pour le mieux. J'avais encore une fois pris le lit du fond, près de la fenêtre et Aries s'était installée à ma droite. En papotant, nous avions rangés nos affaires dans nos armoires respectives avant d'aller inspecter la salle de bain. Tout le carrelage y était bleu mais plus clair que dans mon ancienne chambre. Dans le dortoir en lui-même, c'était le même papier peint bleu, avec les quatre lits simples alignés, aux draps blancs avec les couvertures bleuâtres au blason de Fairy. Une autre porte menait à un coin bureau, où six chaises étaient rangées. Nous avions déballés nos livres et placé toutes nos petites choses personnels. Je m'étais empressée de remettre le violon, l'épée de ma mère et le tournesol argenté sous le lit. Par une fin de soirée, alors que l'heure d'aller dîner approchait, Aries et moi étions affalés sur nos couchages respectifs, je lisais un roman palpitant, quant à la jeune fille aux longs cheveux sombres, elle était éclairé par l'écran de son ordinateur portable et avait un casque vissé sur les oreilles. Je tournais les pages avidement; appuyée contre mon oreiller lui-même calé contre le mur, j'étais bien installée. Le bas de mon jean démesurément grand et plein de trous était passé sous mes talons. Une grosse ceinture l'empêchait de tomber sur mes hanches, et des chaînes y pendouillaient. Mon gros sweat orange pâle me tenait chaud et la capuche rabattue sur ma tête me coupait de toute réalité. Aries quant à elle, avait du abandonner son short par ces temps plutôt froids et avait revêtu un jean gris clair, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir ses sempiternelles converses rouges et un long t-shirt blanc à manches longues qu'elle avait soigneusement remontées jusqu'aux coudes. J'étais en train de me dire qu'il aurait fallu que je mette quelque chose en dessous de mon pull car la fermeture métallique me donnait des frissons quand elle rencontrait ma peau. Le chapitre de mon roman terminé, je plaçai le marque page à sa place pour refermer le livre et le déposer sur ma table de nuit. J'avais horreur de perdre la page où je m'étais arrêtée, si bien qu'il m'arrivait de mettre n'importe quoi entre les morceaux de papiers: une photo, un crayon, mes écouteurs, un bout de papier griffonné, et même parfois, vers midi, ma petite cuillère que je n'utilisais pas. Cette manie de me servir de tout ce qui me passait sous la main comme marque page faisait beaucoup rire ma grand-mère. Oh, grand-mère, si seulement elle savait ce que sa petite fille était devenue. Je n'étais même pas rentré au Japon pendant les vacances de Noel, trop peur d'affronter la réalité. D'ailleurs, plusieurs élèves n'avaient pas pu rejoindre leur famille, on avait eu beau leur poser des questions, ils ignoraient eux-mêmes la cause de leur non départ. Cette academy était vraiment de plus en plus étrange et le comportement du directeur était tout sauf normal. Pour ce qui étaient des voix et des cris que j'entendais de plus en plus souvent, comme venant des murs mêmes, cela restait un mystère. Je n'avais pas encore abordé le sujet avec qui que ce soit, j'avais un peu peur de passer pour une folle à vrai dire. Entendre des voix, ce n'est jamais très bon signe. Seul Jun, qui les entendait aussi, était au courant, il nous arrivait d'en reparler, nous étions tous les deux, pas rassurés. Pas rassurés du tout. J'en avais marre de me répéter cela, de les entendre et de flipper dans mon coin. Je franchis donc le pas, et décidai d'en faire part à ma meilleure amie.
- Aries, je peux te parler de quelque chose ? fis-je après lui avoir fait signe de baisser le son de sa musique.
Elle quitta son ordi pour se tourner vers moi et acquiesça, l'air de vouloir savoir ce qu'il se passe, ma voix devant certainement trahir que je ne voulais pas lui parler de la pluie et du beau temps, mais de quelque sujet sérieux. Je m'éclaircis un peu la gorge, regardai un instant dans les coins des plafonds, comme pour vérifier qu'aucun dispositif de caméra surveillance nous espionnait et commençai à exposer mes inquiétudes par une simple question.
- Tu ne trouves pas...que cette académy est bizarre ? Je veux dire euh, ...qu'il s'y passe des choses anormales ? me repris-je d'un hochement de tête.