Un peu plus tôt dans la journée, j'avais décidé de trouver un endroit tranquille. Je n'avais pas envie de voir du monde, et la perspective de mettre les pieds dans une salle de classe me répugnait. Mes pas m'avaient donc porté du côté de la salle de musique froide, sans chauffage, déserte en ces jours gris. Les élèves préféraient se retrouver au chaud dans les chambres, ou bien à la bibliothèque. Je ne craignais pas outre mesure le froid, et j'étais de toute manière équipé : pull en laine, écharpe gigantesque qui me mangeait la moitié du visage.
Je m'étais assise à une table, dans un coin de la salle. J'avais jeté un regard hésitant au piano, puis avais renoncé à m'y ateler. J'avais les doigts bien trop froids pour pouvoir jouer correctement. Je m'étais affalée de tout mon long, la tête dans les bras, puis m'étais peu à peu assoupie, fatiguée.
Je me révaillai au son du piano, et d'une voix d'homme, au timbre clair et mélodieux. J'écoutais attentivement, et le temps que la chanson se termine, j'étais parfaitement réveillée. Lorsque la dernière notte retentis, je me tournai vers le garçon qui jouait, et lui sourit.
-Jolie chanson. Triste, mais profonde. Tu joue bien.
Je fermais les yeux, et me mis à chantonner la mélodie de la chanson.

Le contre coup du bal avait été plutôt dur étant donné que je ne m'étais endormir que vers quatre heure du matin, ayant fait la folle avec Dimitri presque toute la soirée. Le paresseux dormait encore profondément. Je m'étais donc levée, profitant de cette journée de repos. Pas de cours, le bonheur ! L'academy était pleine, les élèves parcourant bruyamment les couloirs. Personne n'avait songé s'aventurer dehors avec ce froid mordant et ce brouillard épais troublant l'horizon. C'était l'automne et les feuilles du parc avait perdu leur verdure pour se colorer des teintes ambrées de cette saison. J'avais répondu à ce brusque changement de température et m'étais parée d'une tenue que je mettais que très rarement. J'avais abandonné mon sweat et mon sempiternel jean large troué, pour me vêtir d'un gros pull en laine noir, d'une jupe courte à motif écossais rouge, vert et noir, des collants sombres, des guêtres rouge et des bottes larges. Tirant sur les manches de mon haut pour recouvrir mes mains j'arrivai devant la salle des arts. J'avais d'abord songé à aller à la bibliothèque mais rien que le bruit des esprits qui envahissaient la pièce m'avait donné la nausée et j'étais trop faible pour lutter contre les flux de pensées. Évitant la migraine, j'avais donc renoncé. La salle des arts ne semblait pas trop remplie. J'ouvris la porte en veillant à ce que cette dernière ne grince pas. Un garçon jouait du piano et chantait une chanson étrange mais très belle. Ne voulant pas le déranger, je me fis discrète. Je remarquai Nezumi, l'indéchiffrable, allongée dans un coin. Je fis le tour de la pièce, gardant un oeil sur les deux personnes présentes. J'allai m'installer sur la chose que je préférais dans ce bâtiment, les grands appuie de fenêtre. Je me postai contre la vitre, observant le dehors, heureuse de me sentir dedans, au chaud. J'attrapai une partition vide par télékinésie et commençai à composer une reprise de "L'automne" de Vivaldi, le paysage m'inspirant.
- Jolie chanson. Triste, mais profonde. Tu joue bien, déclara soudain Nezumi à l'attention du pianiste.
Je hochai la tête pour l'approuver, même si je n'étais pas sure qu'ils m'avaient remarqués. Je me grattai la tête frénétiquement, bloquant sur un dilemme, j'hésitais entre deux notes. Je remontai mes lunettes sur l'arrête de mon nez et inscrivis un joli "la" sur ma partition. Plume noire en main je m'appliquai à tracer la note avec une belle arabesque. Puis, dans un soupir, je retirai le tournesol coincé dans ma queue haute et décoiffée. Je contemplai la fleur d'un air triste. Wellan... Le tournesol dans une main,je continuai d'inscrire ma mélodie, jetant un oeil furtif sur les deux élèves de temps en temps...

Les yeux toujours clos, je l'entendis se remettre au piano, et ma voix pris plus de force, d'intensité. Je dégageai l'écharpe de mon visage, pour être plus à l'aise et donner de la liberté à la mélodie. De son côté, il m'accompagnait très bien, s'accordant sur ma voix, et transformait son morceau peu à peu.
J'entendis un bruit de plume griffonant sur le papier, et nottai la présence d'une troisième dans la pièce. J'entrouvris un oeil, et remarquai Yuki, la télékinésiste, qui écrivait quelque chose. De par ses mouvements réguliers, j'eu l'impression qu'elle transcrivait une partition. Je décidai de continuer à chanter et de la saluer plus tard.
On m'avait dit, longtemps auparavant, que j'avais une jolie voix, et j'étais assez d'accord avec ça. Mais cela faisait également belle lurette que je n'avais pas chanté, et j'avais sous-estimé l'emprise du froid sur ma petite personne. En plein milieu de la chanson, je fus prise d'une affreuse quinte de toux, qui me fit monter les larmes aux yeux. Une fois calmée, j'adressai une grimace désolée au garçon, et remontai l'écharpe sur mon nez.
-Désolée, j'ai dû attraper froid. Et j'ai bousillé ta chanson en plein milieu, fis-je.
Je me tournai vers Yuki, et lui souris.
-Salut, Yuki !Je me rassis, et un silence plana dans la salle. Je ne savais pas trop quoi dire, et j'eu peur d'avoir bousillé l'ambiance. *Mais quelle ambiance, abrutie ?* Je soupirai intérieurement, et attendis que quelqu'un dise ou fasse quelque chose, patientant dans une attitude figée.

Ma toux abomminable n'eut pas l'air de l'émouvoir plus que ça, et il continua à jouer sans broncher. Lorsque le morceau fut finit, il m'adressa la parole, pour la première fois :
-Merci d'avoir chanté.Tu as une très belle voix. Au fait, je suis Gaara Ichitsu.
Je lui souris, et me présentai :
-Enchantée, et merci. Je suis Nezumi Ame.
Je décidai de garder mon véritable prénom pour plus tard. Pas question d'en informer le premier venu. Des oreilles trainaient partout. Quite à devenir paranoïaque, je préférai le taire pour le moment. *Mieux vaut être une paranoïaque vivante qu'une insouciante morte*, songeai-je, d'humeur plutôt légère.

Nezumi se mit à chanter en reprenant la chanson du garçon qui l'accompagnait au piano. C'était très joli, et puis tout à coup, la jeune fille blonde se mit à tousser, ce qui ne perturba en rien le pianiste qui s'acharna à terminer sa mélodie.
- Désolée, j'ai dû attraper froid. Et j'ai bousillé ta chanson en plein milieu ! (elle se tourna vers moi) Salut Yuki !
Je lui rendis son sourire dans un hochement de tête puis repris mon travail.
- Merci d'avoir chanté. Tu as une très belle voix. Au fait je suis Gaara Ichitsu, déclara le jeune homme en se tournant vers nous.
Je déposai ma partition sur l'appuie de fenêtre en en descendant dans un petit saut. Je tirai sur mon pull puis lui souris amicalement. Je partis au fond de la salle, en quête du violon dans l'amas d'instruments de musique. J'entendis Nezumi se présenter et le remercier pour le compliment. Il était vrai qu'elle avait une jolie voix. Je trouvai enfin le vieux violon, fit le tour de la pièce, arrivant derrière les deux élèves. Je déplaçai un tabouret du bout de mon pied avant de m’asseoir dessus, adossée à une armoire. Je tranchai le silence:
- Yuki Huruma ! Ravie, Gaara !
Je plaçai l'instrument sous mon menton et fermai les yeux en portant l'archet sur les cordes, puis avant de commencer à jouer:
- Faites comme si je n'étais pas là...
Puis, je fis retentir les premières notes, sortant ma mélodie du violon, m'appliquant sur chaque mouvement de mon archet et de mes doigts sur les cordes, concentrée dans l'univers musical. J'avais besoin de jouer pour oublier les évènements d'hier soir. Bien sur, je ne pouvais pas bannir le fait que j'aimais Dimitri mais j'avais surtout une irrésistible envie de penser à autre chose qu'à ça. Je voulais me dire que j'avais fait le bon choix. Je me perdis dans chaque accent de croches et dans chaque pointe de blanche. Je m'isolais du monde pour ne voir et n'entendre qu'une chose: ma musique.
https://www.youtube.com/watch?v=2ZMymPg4N7k