J'avais débarqué en perm sans même me rendre compte que mes jambes se déplaçaient. Quand j'avais pris conscience que je n'étais plus dans mon dortoir, j'étais ici, dans cette salle circulaire baignée dans les ténèbres.
J'aimais bien le noir. Enfin, quand j'étais pas plein dedans. Surtout que même quand toutes les lumières étaient allumées, j'étais capable de me ramasser comme une gourde sur un obstacle inexistant. Et rapidement, je me pris une chaise qui trônait en plein milieu de la salle, me rétamant très élégamment au sol. Je retins un cri, la chaise ayant fait un joli bruit grinçant qui m'arracha les oreilles dans ma chute. Très discret, admettons le.
Le plus humiliant, c'était que j'entendais la respiration d'une autre personne, bien que je parvenais pas à la localiser, mon champ de vision réduit à quelques décimètres à peine. Le fait que je tombe devant quelqu'un sans savoir qui me perturbait.
J'aurais bien sûr pu utiliser mes pouvoirs pour créer une source de lumière sur le moment, mais une étrange force extérieure m'empêchait de penser de façon lucide...

-C'est qui ?! entendis-je dans un premier temps. Une voix féminine, présumais-je, provenant d'une jeune fille d'à peu près mon âge. C'était déjà rassurant, car cela signifiait que c'était une élève de l'académie, et que par extension je n'avais rien à craindre d'elle. Enfin, techniquement.
Je me levais lentement, faisant bien attention à ne pas récidiver ma chute, parce que oui, je m'en savais parfaitement capable. Je dépoussiérai ma jupe exceptionnellement noire, avant de tenter de remettre mes cheveux en place. Je créai une légère source de lumière dans le creux de ma paume, me demandant quand j'avais acquit cette maitrise. Je n'avais même plus besoin de fermer les yeux et de me concentrer, ce qui en soi représentait un énorme pas en avant pour moi.
Et tendant mon bras qui tenait la petite boule lumineuse vers l'autre personne présente dans la salle, afin de découvrir qui m'avait posé la question. Il s'agissait d'une jeune fille au physique complètement opposé au mien. Grande, bien bâtie, une chevelure foncée. Il me semblait ne jamais l'avoir vue dans l'établissement, ce qui me fit deviner qu'elle était probablement nouvelle.
-Je m'appelle Moon, lui sourais-je.
Je songeai si je devais lui renvoyer la question, mais autre chose me perturbait à ce moment-là. Alors je lui lançai, pas vraiment sûre de moi quant à la réponse qu'elle allait me donner :
-Toi aussi tu ressens quelque chose de bizarre ici ?

Comment se pouvait-il qu'elle connaisse mon prénom ? Je ne me souvenais pas lui avoir dit. A moins qu'elle soit lucide et qu'elle pouvait lire dans les pensées. Et si c'était le cas, j'étais bien en mauvaise posture.
- Heille ça déchire ta boule de lumière !
Je faillis laisser échapper un c'est un compliment ou pas avant de me résigner, et de balbultier un léger m... merci pas très audible. Peut être même ne l'avais-je pas prononcé, car l'autre jeune fille ne semblait pas l'avoir entendu.
Elle cria. Ce fut la première chose que j'entendis. Les chaises qui étaient rangées sur les tables alignées au milieu de la salle bougèrent, comme par magie, et vinrent se casser la figure au sol, dans un bruit assourdissant et sinistre. Il se passait des choses étranges. Et même si à la longue j'étais habituée aux bizarreries qui se produisaient à Lunacy, je me sentais exceptionnellement mal à l'aise. Je percevais une étrange anxiété monter en moi, me prendre à la gorge, et m'empêcher de réfléchir de manière lucide.
-On est censées rester ?, me demanda-t-elle, ce qui faillit m'arracher un soupir. Mais bien sûr, restons ici et faisons-nous assomer par les chaises volantes.
Mais avant que ne je puisse lui répliquer une phrase cinglante avec ma magnifique répartie cynique que je ne me soupçonnais même pas, elle me saisit l'avant-bras, m'emmenant dans le couloir désertique.
Elle me questionna à propos de ce qui se passait, et je lui répondis en soupirant :
-Ptêtre bien que quelqu'un nous fait une farce. Genre un télékinésiste qui balance les chaises par terre.
Je réfléchis un instant, envisageant l'éventualité qu'il s'agisse de l’œuvre d'un illusioniste, avant de vite écarter cette possibilité. Je l'aurais remarqué, dans ce cas.
-Ou juste un beug dans le système des chaises qui se rangent toutes seules, tentais-je. Ou même une faille dans la barrière de l'école, qui sait. Au fait, c'est quoi ton nom ?
Rapport choucroute, merci.

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