Je montai les escaliers menant à l'observatoire, me demandant encore et toujours pourquoi j'y étais revenue. Ça m'avait pris, comme ça, l'après midi, j'avais eu une envie irrépressible de monter là-haut pour, au moins une fois, voir mourir le soleil à mes pieds et non en hauteur comme d'habitude. Puis, voir cet astre lumineux que je détestais tant laisser la place à la nuit, froide et majestueuse. Ce serait même parfait s'il n'y avait pas d'étoiles..., pensais-je, rêveuse. Mais je savais pertinemment bien que je ne revenais pas ici pour regarder le soleil, fus-ce pour cracher dessus. C'était le premier endroit où j'avais vraiment parlé avec Ahoru, une sorte de premier rendez-vous... J'aurais dû me concentrer un peu plus à ce moment là, et réfléchir aussi. Mais il ne m'était pas venu à l'esprit que je puisse ne pas être seule. On était en fin d'après-midi, forcément qu'il y aurait d'autres personnes que moi !

Ce fut la vue d'une tignasse de cheveux blancs et courts qui me ramena à la réalité. Le garçon de l'auvent. Celui dont le pouvoir était d'écraser les gens de l'intérieur. Celui qui avait envoyé un canif dans la jambe d'un surveillant. Celui qui arborait un masque de gentil garçon en permanence. Je souris d'un air mauvais au souvenir de ce qui s'était passé mais je n'avais pas envie de le voir, encore moins de lui parler, pour le moment, je n'avais aucun besoin de me défouler, juste l'envie d'être au calme. Mais bon, j'étais montée jusque là, autant rester, ce n'était pas la présence d'un petit roquet craintif qui allait me dicter ma conduite ! Et, de toute manière, nous n'étions pas seuls dans la pièce, il y avait là aussi une rousse qui, curieusement, ne portait pas de chaussures et... la fille que j'avais « aidée » au début de l'année, celle-là, je ne l'aimais pas non plus. C'était bien mon jour, me dis-je en soupirant.

Puis, finalement, je ne vois pas l'intérêt de rester en compagnie du petit peuple, je vaux mieux que ça. Je tournai donc les talons en direction de l'escalier, mais, visiblement, aujourd'hui, le sort était contre moi. Le sol se mit à trembler, d'abord imperceptiblement, et ensuite de façon plus marquée. Quelqu'un cria « Un tremblement de terre ! ».

- Sans blague, on avait pas remarqué, marmonnai-je dans ma barbe.

À chaque fois il y a un imbécile pour crier inutilement ce qu'on sait déjà. Je me couchai au sol, la tête entre les coudes comme le préconisaient les manuels de secours. Les vitres se brisèrent en mille morceaux au moment précis où le soleil se couchait derrière l'horizon, envoyant des éclats de verre dans toutes les directions, n'épargnant rien ni personne, l'un d'eux s'enfonça profondément dans mon bras gauche. La sang coula, tiède et pâteux. Et soudain, les vibrations s'arrêtèrent, comme les étaient arrivées, sans aucune raison apparente. Je me relevai péniblement, encore abasourdie par ce qu'il venait de se passer...

J'étais arrivée assez tôt, pour pouvoir zieuter le soleil se coucher tranquillement. Evidemment, je m'étais perdue une douzaine de fois en montant, mais c'était la routine. Il faut que je pense à prendre des choses utiles avec moi. Nourriture non-périssable, cordages, pics, eau et tout le tralala. Au cas où je me retrouve coincée je ne sais où sans espoir de retour vers la civilisation.

L'Observatoire était désert. Totalement. Pas un souffle, pas une tête chevelue qui pourrait me déranger. Tant mieux, tant pis, je ne sais pas... J'aime bien parler à des gens, mais ceux qui viennent ici sont plutôt silencieux, non ? Style concentrés dans leur visionnage des cieux. Perdus dans leurs pensées profondes, à rêver de trucs moult choupinets. Avec un sourire idiot sur les lèvres et les yeux dans le vague... Non ? C'est un gros cliché romantique à deux balles ?

Bref, laissons là les vagabondages inutiles. Je ne montais pas souvent à l'Observatoire, alors pour une fois, je m'étais employée à découvrir les moindres recoins de la construction. (Recoins, je déconne, il semble que le truc soit rond. Les moindres petites courbes, disons.) C'était beau. Du verre partout. Comme si j'avais été enfermée dans une de ces boules à neige, vous savez, celles que l'on secoue pour que les flocons se mettent à danser en suspension. Sauf que sous mes pieds -nus, les chaussures, c'est mauvais pour la santé-, il n'y avait que le parquet froid et brillant. Dommage.

A partir de là, des gens ont commencé à arriver. J'ai oublié l'ordre, mais je ne pense pas que ce soit très important, vous savez. Le fait est qu'à la fin, nous étions quatre. Je ne les connaissait pas, aucun d'entre eux. Jamais rencontrés. Ca ne me gênait pas vraiment -je suis tout à fait sociable avec les gens dont je ne soupçonnait même pas l'existence. C'est bizarre, en fait. Depuis que je suis ici, j'ai fait quelques rencontres, j'ai même trouvé des amis, mais... Même si je m'entête à parcourir les couloirs, ou a me promener au lieu d'aller en cours, je n'ai trouvé aucun indice de la présence de Grey ou de Malicia. Peut-être serait-il temps que je me mette vraiment à enquêter, au lieu de me la couler douce et de dormir quinze heures par jour.

Le tremblement à coupé court à mes réflexions. Je n'ai même pas paniqué, je vous jure. Le sol s'est mis à bouge, et quelques son étouffés sont parvenus à mes oreilles...


Bah oui, crétin, qu'es-ce que tu veux que ce soit ? Une comète tombée comme par hasard sur terre ? Un troupeau de rhinocéros qui se serait soudain mis à faire des cercles concentriques autour de l'académie ? Une explosion au labo de chimie ? Un... Suffit.

Les élèves autour de moi avaient des réflexes plutôt bien rodés, contrairement à moi. Je restai plantée au beau milieu de la salle, incapable de faire un mouvement. Le sol s'effondrait, bloquant le passage, obstruant l'escalier. Le verre du magnifique dôme vola en éclats. Des petits bouts se plantèrent dans ma peau, entaillant mes bras et jambes qui laissèrent échapper quelques gouttes de sang. Un bout plus gros laissa une plus grosse plaie sur mon épaule, mais je n'eus pas l'impression de sentir la douleur. Je regardai autour de moi, confuse.

Un gros bloc se détacha sous mes pieds. Je chutai. C'était la même sensation que celle des manèges, celle où on a l'impression que notre corps tombe, mais que nos organes restent en haut. J'avais la tête qui tournait un peu. Je tentais de comprendre ce qui m'arrivait. Il me semble que ça a duré des heures. Pourtant, je n'ai pas du tomber bien bas -un petit affaissement du sol, un mètre tout au plus.

C'est troublant. Ca faisait un bruit du tonnerre, mais ça se passait au ralentis.


... Grey ? C'est la vois de Grey ? Une hallucination auditive ?

Là, je crois que je me suis mise à paniquer.

HRP:

Ce très cher observatoire... Cela fait déjà quelques temps que je n'y ai pas mis les pieds! Bon, ça ne fait pas une éternité, mais tout de même... Je crois que ça fait... quatre jours? Oui, environ quatre jours que je n'y suis pas allé. Il n'y a pas souvent de personne, nous sommes souvent deux ou trois. Mais ce ne sont jamais des personnes que je connais. J'ai la sale manie d'observer l'expression de leurs visages voyant le couché de soleil. Ils ont l'air heureux, rêveur. Pour ma part... quand je regarde un couché de soleil ou une nuit étoilée, je suis envahi par un sentiment de nostalgie. Alors, je me cache, je reste dans l'ombre. Je pourrais troubler leur bonheur.

Aujourd'hui, nous ne sommes que trois. Encore des personnes qui me sont inconnue. Et... et... une rousse? Elle est... elle est... elle est jolie. Johanna, tu me hante... Comment puis-je vivre avec ta mort? J'ai tellement pleuré! J'en avais même perdu la parole... Il fait encore jour, je suis peut-être venu un peu trop tôt. Avec toi ma rouquine, c'était toujours le bon moment. Et tes yeux brillaient de mille feus. J'aimerais tant les revoir... Je me plantai devant les vitres formant une boule de verre, laissant couler une larme le long de mon visage.

À ma plus grande surprise, une autre personne vint à l'observatoire. Maintenant, nous sommes quatre. Je me retournai... cet aura malsain, je le reconnais. Je sens les présence, je sens les bonnes ou les mauvais personnes. Je découvris une fille aux cheveux de jais et aux yeux... émeraude... C'est elle, la fille de l'auvent. Je lui lançai un regard noir avant de retourner à mes occupations quand tout à coup...

- Un tremblement de terre ! cria quelqu'un.

Effectivement, le sol se mit à trembler et l'observatoire à s'effondrer. Les vitres explosèrent, le sol tomba. Je me laissai tomber à genoux. J'étais prêt de la vitre, je me pris une sacrée raclée. Des bouts de verres se plantèrent dans mon bras gauche, je ne sais pas combien, mais bien plus de deux et j'en reçu un peu dans les cuisses et sur le ventre. Je me fis érafler le visage aussi. Un liquide rouge et poisseux conquit mon corps, mais ce... n'est pas pour cette raison que j'ai tellement mal... j'ai mal à l'intérieur. J'ai mal au coeur. Le seul endroit où je peux encore penser à toi est maintenant détruit. Ce fut comme si on pressait mon coeur comme une citron sur du saumon.

Je relevai la tête, et soudain, le sol s’effondra sous la rouquine. Je retint mon souffle avant de me lever brusquement et de courir vers elle. Qu'est-ce qu'il me prend? Des larmes coulèrent le long de mon visage pale. Elles coulaient, elles coulaient comme une rivière. Il te prend que tu ne m'as pas oublié, mon petit Jun. Mademoiselle Majenski? Je sens de la joie dans ta voix... es-tu heureuse là où tu es maintenant? J'attrapa la main de la jeune rousse.

- Johanna, je t'en pris, ne meurs pas à nouveau! hurlai-je de toutes mes forces.

Je tenais fermement sa main en pleurant toutes les larmes de mon corps qui lui tomber dessus. Mes rouges sont rouges comme une tomate. Malheureusement, c'était avec le bras gauche que je l'avais rattrapée, mon bras le plus blessé. Malgré que le sang ne coule le long de mon bras pour tomber sur la pauvre jeune fille, je n'ai pas mal. J’essayai de l'attraper avec mon bras droit, en vain. Jun, je sais que tu peux le faire! Sauves-là, je te l'ordonne! Pourquoi...? Pourquoi se manifestent-elle maintenant? La voix de Mademoiselle me hante, ainsi que nos moments passés ensemble. Et d'un coup, sur mon visage on put lire la détermination que j'avais à la remonter. Je l'attrapai avec mon autre bras et la hissai de toutes mes forces. Je suais, c'était long, mais j'y arrivais. Je réussis à la remonter et la poser sur le sol comme une princesse. C'est ce que j'aurais fait avec Johanna... Je baissai la tête avant de me laisser tomber sur le sol. J'affichai un sourire.

- Tout le monde va bien? demandai-je avec gentillesse.

Couché sur le sol, j'imagine la réflexion de cette fille... Ce n'est pas Johanna... Je lui ai livré mes sentiments, elle va vouloir en savoir plus. Quant à la fille malsaine aux yeux d'émeraude, encore une fois... elle doit me trouver pathétique... Je souris quand même... Pauvre observatoire, tu étais l'inspiration de mes souvenirs...

D'un point de vue pratique, la situation n'était pas terrible. Les escaliers étaient bien entendu obstrués par des pierres énormes tombées d'on ne sait où vu que l'observatoire était censé être le point culminant de l'académie. Seul point positif : le dôme de verre éclaté, on pourrait apprécier la nuit à sa juste valeur, elle serait glaciale, les autres allaient avoir du mal à le supporter, ça promettait d'être amusant de les voir grelotter jusqu'à-ce qu'on vienne nous rechercher.

Une goutte de sang tomba au sol, me rappelant que j'avais un morceau de verre dans l'avant-bras, ce n'était pas tellement douloureux mais c'était gênant, et enfoncé assez profondément aussi. Je le retirai d'un coup sec, même si ce n'était pas la meilleure chose à faire.

- Johanna, je t'en pris, ne meurs pas à nouveau!

Quelques mètres plus loin, le garçon de l'auvent s'excitait sur la rousse aux pieds nus, et j'avais la très nette impression que, Johanna, ce n'était pas elle. Je pouffai de rire devant la scène. Il dut finir par se rendre compte de son ridicule car il se releva au bout d'un temps et sourit comme si de rien n'était.

- Tout le monde va bien?

Pour toute réponse, je me contentai d'un sourire ironique. C'était bien le genre à demander ça, ou plutôt, le genre qu'il essayait de se donner. Je n'avais pas oublié la haine dans son regard rouge sang la dernière fois. Je restai plantée là, les bras croisés, j'aurais préféré pouvoir m'appuyer tranquillement contre un mur pour jouir du spectacle mais bon, on ne peut pas tout avoir, hein. De toute manière, la fille se réveillait, j'allais voir le petit blondinet se taper la honte de sa vie, à ce prix-là, je pouvais bien me passer d'un appui.

« Johanna, je t'en pris, ne meurs pas à nouveau! »

Une deuxième voix était venue se superposer à celle de Grey, qui m'intimait de ne pas perdre le contrôle. J'avais l'impression qu'elle m'était destinée. En fait, durant ma chute, j'eus largement le temps d'analyser -ce que je ne sais absolument pas faire- et de me rendre compte de la situation. Je ne m'appelle pas Johanna. Cette prière ne m'est pas destinée. CQFD.

J'allais sombrer quand je sentis une main attraper la mienne. Oh, alors finalement, c'était moi, Johanna ? Depuis quand, par tous les gnomes ? Au pire, peu importe. J'ouvris les yeux, découvrant penché au dessus de moi, en larmes, l'exact contraire de Grey. En fait, si on avait passé Grey à la Javel et à la machine à laver, ça aurait donné ce garçon; des cheveux blancs, plutôt pas très musclé, des yeux doux et rouges assez pâle. Avec un prime un air gentil -lavage de cerveau, peut-être ?

Je secouai la tête, tentant de reprendre mes esprits. Réfléchis calmement, ma grande. ... OH MON DIEU IL Y A EU UN TREMBLEMENT ET...

Ahem. Je tentais de me redresser en m'appuyant sur mes coudes, ayant définitivement laissé tomber l'idée de réfléchir. Mieux valait attendre que le choc passe, non ?

« Tout le monde va bien ? »

Je frottai mes yeux du du de ma main, et fit l'état de mon corps. Mes pieds nus étaient en sang. Le verre qui avait été projeté avait entaillé mes bras, mes mains, et déchiré mes vêtements -pas des masses, certes, mais ils n'étaient pas en bon état. Mon épaule était ouverte. J'avais envie de pleurer. Mon coeur battait hyper fort.

« ... »

Il faut être une fille courageuse, ma grande. Souris.
Je souris. Un immense sourire d'enfant. Comme d'habitude.

« Moi, oui. Merci de ton aide. »

... Mais je m'appelle Aiko.
Non. Ca ne se dit pas. Le choc avait du le faire dérailler, et il devait se sentir assez stupide comme ça, pas besoin d'en rajouter une couche. Je me tournai vers la fille, celle qui avait les cheveux noirs d'encre.

« Et toi, ça va ? »

Elle n'avait pas l'air mal. Mais il y a des gens qui ne disent rien, et qui gardent une expression neutre ou blasée à longueur de journée, sans se plaindre. On ne sait jamais.
Personnellement, mes lèvres portaient toujours mon sourire de gamine. En fait, ce n'était pas du tout de l'hypocrisie, mais un véritable et authentique sourire. Et avec ça, j'avais l'impression que je pourrais faire face à tout.
Je penchai la tête sur le côté, essuyant mes mains ensanglantées sur ma jupe.

La rousse ne s'était pas couchée à terre lors du tremblement de terre et elle était entaillée et égratignée de partout plus une ouverture à l'épaule qui aurait bien mérité un petit point de suture, en bien pire était que moi, et ses vêtements n'étaient pas en reste... Pourtant, elle se força à sourire au garçon aux yeux rouges, d'un grand sourire sincère et enfantin, sans montrer le moindre signe de douleur.

- Moi, oui. Merci de ton aide.

Courageuse, la petite, pensai-je, imaginant déjà le mec de l'auvent avec les mêmes blessures en train de fondre en larmes. Cette fille m'était presque sympathique, si elle avait été méchante, ça aurait été parfait, mais bon, on ne peut pas tout avoir. Tant pis pour elle, je la martyriserais comme les autres alors. Elle recommença à sourire, de la même façon qu'au garçon mais, cette fois-ci, c'était dirigé vers moi. C'était... désarmant.

- Et toi, ça va ?

Elle pencha la tête sur le côté et essuya ses mains sur sa jupe. Que faire ? Montrer mon véritable visage de méchante ou bien jouer le rôle de la fille normale jusqu'à-ce que la tension monte ? D'un côté, j'avais envie de la remballer aussi sec comme à mon habitude et d'un autre, parler avec eux pourrait être amusant. Des idées pour créer quiproquos et crise de nerfs se faufilaient déjà dans mon esprit, un cataclysme, c'était l'occasion rêvée pour emmerder le monde. Je décidai de faire comme si j'étais gentille... pour le moment.

- Oui, je vais bien... Johanna, c'est ça ?

Je jetai un regard en coin au garçon. Je n'avais pas pu m'en empêcher, c'était trop tentant. Je m'efforçais de ne pas prendre cet air mutin et espiègle et d'avoir l'air totalement naïve mais, avec mes yeux qui riaient déjà à l'avance, ce n'était pas gagné. Je rectifiai ma position et sentis une goutte de sang perler le long de ma main, ça ne me fit ni chaud ni froid.

Elle s'adresse à cette fille... démoniaque aux yeux d'émeraude. Je sens bien qu'elle va en profiter pour me casser. Mais cette fois Jun, ne sort pas de tes gonds ! Il y a Joha... euh non, cette fille qui ressemble à Johanna. Je dois m'arrêter. Rien qu'avec la rencontre du gars qui fessait tout flamber, j'avais rencontrer une rousse et j'avais tout de suite penser à toi. Cela doit être très gênant pour toutes ses filles rousses mais pourtant, celle que j'ai en face de moi aujourd'hui... elle, elle te ressemble vraiment. Il y a juste la couleur de ses yeux. Elle semble joyeuse, un peu enfantine, gentille, tout comme toi... il suffit!

- Oui, je vais bien... Johanna, c'est ça ?

Je m'en doutais. Quelle peste! Mais je ne vais pas m’enflammer, je vais rester calme et faible. Je vais lui expliquer avec mélancolie que ce n'est pas Johanna et que je ne la connais pas. Je me levai et me dirigeai vers les deux filles. Je posai ma main sur un des bouts de verre qui me transperçaient le bras et il explosa en poussière. Je sais très bien que si je l'enlève en entier, j'aurais une hémorragie. Mieux vaux que je ne garde tout mon sang. Je détruis juste ce qui dépasse, car on dirait un cadavre vivant. Je lançai un discret regard rouge sang à la fille aux yeux d'émeraude avant que mes yeux ne palissent encore.

- Ce n'est pas Johanna... Je ne vous connais pas, excusez-moi... fisè-je tristement.

Tu me manques, tellement, tellement. Cela doit être pour ça que j'appelle toutes les rouquines Johanna... Je continuai à détruire le verre qui dépassai pour enfin me tourner vers la rouquine avec un sourire malgré ma douleur et ma tristesse. Je ne sens presque plus rien, on m'a trop frappé, mais ça picote un peu. Une goutte de sueur coule le long de mon visage.

- Quel est votre vrai prénom? Pour ma part, c'est Jun, Jun Meiko.

Je dois bien me rattraper. Si ce n'est pas elle, quel est son prénom et puis j'imagine qu'elle va demander son prénom à la brune. Je pourrais enfin connaître le nom de l'ennemi.

« Oui, je vais bien... Johanna, c'est ça ? »

... Moi ? Mais non, je vous dit que...
Le garçon qui ressemblait à Grey version Javel serra les dents. Il avait l'air vachement triste, même s'il tentait de le cacher. On me la fait pas à moi, je suis persuadée que j'ai un sixième sens pour ressentir les phéromones que les gens balancent dans l'air. Je fronçai les sourcils. C'était qui, Johanna, d'abord ?

« Ce n'est pas Johanna... Je ne vous connais pas, excusez-moi... Quel est votre vrai prénom? Pour ma part, c'est Jun, Jun Meiko. »

Ah, je suis soulagée. Je n'ai pas tout d'un coup, à cause de je ne sais quoi, perdu la mémoire et retrouvé la mémoire d'une autre qui en fait serait enterrée quelque part sous les décombres et...


Encore cette voix.
Je suis simplement un résidu de souvenir, alors. Un de ces trucs qui rappellent toute la douleur ou la joie qu'on a ressenti à un moment de sa vie, vous voyez ? La douleur, sûrement, dans le cas présent. Et moi, qui ne suis rien de plus qu'un petit fantôme, je le ferai souffrir par mon apparence ? Bordel, mais c'est horrible. J'en avais presque les larmes aux yeux.
Je n'ai qu'à arracher mes cheveux et griffer mon visage.

« M-mais je suis d-désolée... »

Voilà que je me met à bafouiller. Avec des petites trémolos dans la voix. Youpi. J'attrapai l'immense chapeau que je portais tout le temps et qui avait roulé un peu plus loin, et l'enfonçai sur ma tête. Comme un gosse qui se planque.

« J-je m'appelle Aiko Füller... »

Dire que je m'étais jurée de ne dire plus que 'Aiko'. C'est vrai, c'est stupide, de dire 'Aiko Füller'. C'est compliqué en plus.
Je reportais mon attention sur la jeune fille aux yeux verts. Elle avait l'air à la fois très amusée et plutôt... Ouais, amusée. Je n'arrivai pas à définir ce qu'elle... Enfin, bref.
Je me levai et faisais quelques pas vers elle. Pour m'asseoir à mi-chemin entre elle est le garçon, incapable de marcher plus longtemps, à cause des bouts de verre logés dans mes pieds.

Le garçon posa la main sur un des morceaux de verre qui transperçait son corps et sa partie extérieure explosa. Il procéda ainsi méthodiquement avec tous ceux qui s'étaient enfoncés dans sa chair. Encore une facette de son pouvoir, c'est à retenir. En effet, j'allais probablement encore être amenée à jouer avec lui et ses sentiments et lui à perdre le contrôle, il faudrait que je le maîtrise pour ne pas trop me faire taper dessus, le but premier restait de me divertir. Mon intuition se confirma quand il me lança un regard rouge sang plein d'animosité, nous n'en avions pas fini tous les deux. Je souris.

- Ce n'est pas Johanna... Je ne vous connais pas, excusez-moi...

À ce moment-là, sa pauvre expression dépitée valait de l'or. Je me fichais éperdument de qui était cette Johanna mais, tant que la mention de son nom pouvait faire souffrir, elle m'était utile. J'eus un petit pincement au cœur en pensant que, moi aussi, il y avait un prénom qu'il valait mieux ne pas prononcer en ma présence mais la sensation disparut plus vite encore qu'elle était arrivée. Être triste était un luxe que je ne me m'autorisais pas à avoir.

- Quel est votre vrai prénom? Pour ma part, c'est Jun, Jun Meiko.

Jun. C'était donc ainsi qu'il s'appelait. Et dire que nous nous étions tapés dessus l'un l'autre sans même nous être présentés la dernière fois. Je ne regrettais rien, ce genre de mec mièvre m'était affreusement antipathique mais je préférais connaître le nom de mes victimes. C'était désormais chose faite. C'est à ce moment-là que la petite rousse, à laquelle je n'avais pas encore réellement porté attention, bredouilla sans raison apparente.

- M-mais je suis d-désolée...

Désolée de quoi ? Mystère. Décrypter les émotions des gens dits « gentils » n'était pas vraiment mon fort. Elle alla chercher l'immense chapeau qu'elle portait avant que le dôme s'effondre et le planta sur sa tête, comme si elle pouvait y rentrer entièrement. Je haussai un sourcil interrogateur et repris mon cheminement intérieur. Ou alors, elle s'excusait de causer du tort au petit blond. Oui, ça devait être ça. Pitoyable. Mais j'aurais dû m'y attendre de la part de cette rouquine à la moue adorable. Ils allaient bien s'entendre ces deux-là.

- J-je m'appelle Aiko Füller...

Un nom qui ne m'évoquait rien en particulier. Il n'était pas fade ou trop peu original, juste dénué d'intérêt. Elle se leva, sembla vouloir aller vers moi - mauvaise idée, entre parenthèses - mais s'arrêta pile à mi-chemin entre le type de l'auvent et moi. Je compris lorsqu'elle s'assit à terre. Ses pieds nus étaient coupés de toutes parts par des bouts de verre, voilà ce qu'on gagnait à ne pas mettre de chaussures. Ils attendaient sûrement que je leur dise mon nom maintenant, j'allais leur faire cet honneur, ils ne se rendaient pas compte de leur chance. Je regardai Aiko Füller, c'était long comme nom, Aiko tout seul serait mieux... Je regardai donc Aiko.

- Resli Blue

Je m'étais rarement nommée en donnant mon faux nom, ça faisait bizarre. Bizarre de ne pas voir trembler les gens à la citation du nom Slythereen. Mais bon, de toute manière, cela m'aurait étonnée que ces deux adolescents moyens connaissent ma famille, ils avaient peut-être lu mon nom dans un quelconque magazine un jour ou l'autre mais ne réaliseraient jamais l'ampleur de l'empire dont j'étais l'héritière. C'était tout simplement trop gros pour eux.

Je soufflai. Ces bouts de verres sont finalement plus douloureux que ce que je pensais. Mais, il faut que je tienne. Il faut que je me retienne de ne pas tous les arracher avec rage. J'aurais alors une hémorragie et le temps que l'on vienne nous chercher, je serrai mort. Je ne peux pas mourir maintenant. La mission que ma mère m'a confiée n'est pas terminée.

- M-mais je suis d-désolée...

Hein... euh... quoi? Ces excuses avaient le don de me mettre mal à l'aise car après tout, c'est moi qui l'aie appelée Johanna. Je rougis légèrement en souriant gentiment. Ah, si seulement tu étais là... En toi, j'avais senti une source magique puissant mais non utilisée. Je t'aurais appris un minimum à les utiliser et nous serions tous deux en cette école. Je t'aurais présentée au monde entier, j'aurais continué à te servir, nous serions restés ensemble... et peut-être... peut-être que tu m'aurais embrassé. Johanna, tu m'avais déclaré ta flamme alors que je n'avais jamais osé le faire pour toi et puis cette nuit là... tu es décédée.

- J-je m'appelle Aiko Füller...

Aiko, hein? Je trouve ça joli, ce prénom lui va à ravir. Elle se leva et s'assoit un peu plus loin entre moi et la fille aux yeux d'émeraude. Je m'assis moi aussi. Si je restais debout, je n'allais pas résister longtemps avant de tomber dans le coma. Même si j'ai toujours eu une santé fragile, je supporte mieux les blessures. Mais je risque sûrement d'avoir un infection d'ici là et il faudra que je porte des bandages... peu m'importe après tout.

- Resli Blue

Je le connais enfin... son prénom. Sale peste, ton prénom te va bien, Resli. Je souris. Après tout, il y a plus de quoi rire que pleurer... On va surement rester enfermes ici une bonne partie de la nuit ou peut-être toute la nuit. Elle vont avoir froid. Je ne dis pas nous, car moi le petit enfant des rues, je ne crains pas le nuit féroce. Les couvertures me font transpirer. Seulement, j'espère que Resli ne s’enflammera pas en s'amusant à jouer avec mes sentiments. Malheureusement, je suis impulsif.

- Enchanté, Aiko, je tournai ma tête vers la rouquine, Resli, je tournai ma tête vers la fille aux yeux d'émeraude.

Je me demande quelle vanne de merde ou quels mots blessant va dire la démone aux cheveux noirs pour énerver le Jun impulsif qui sommeille en moi. Sauf que cette fois, il ne fera pas apparition, je te le promets... Johanna.

« Resli Blue. »

Oh, c'est pas courant, ça ! C'est super mignon, Resli. Resli Resli. Mon sourire s'élargit, et je me mis à rire. Ca me rappelait les céréales, celles qui sont vraiment aux céréales. Avec les petits flocons d'avoine tout blancs et les feuilles qui craquent et font un vacarme assourdissant quand on les mange. Finalement, je ne me sentais pas trop mal -soit je ne réalisait pas, soit je n'étais qu'une inconsciente écervelée, allez savoir.
Même si on était bloqués ici.

« Enchanté, Aiko. Resli. »

Je lui souris -de toute façon, quoi qu'il arrive -à quelques exceptions près- je souriais toujours. Je jetai un regard circulaire autour de moi, contemplant l'observatoire détruit. La nuit tombait déjà, et on y voyait peu clair. Je frissonnais.
J'ai toujours aimé la nuit, certes. Les nuits claires, les nuits sombre, celles où on dormait profondément ou celles où on veillait à côté du feu. Au Cirque, c'était monnaie courante. On se réchauffait en tendant les mains vers le foyer, et on se racontait des histoires. Je me rappelle des meilleures, encore aujourd'hui. Elles nous faisaient rêver.
Mais là n'est pas le sujet.

« Enchantée aussi... »

Sans doute les mots les plus appropriés. Non ?

« Personne ici n'aurait le fabuleux pouvoir de faire apparaître des sacs de couchage, par un pur hasard fortuit ? »

A peine rassurée, et me voilà déjà à laisser parler mon stupide esprit tout seul. Je secouai la tête, et tirait sur le bord de mon grand chapeau. Malgré le fait que je me sente un peu rassurée, mes deux compagnons ne semblaient pas disposés à parler.
Peut-être qu'ils se détestent ?

Aiko parut enchantée de connaître mon prénom contrairement à Jun qui me lança ce regard assassin qu'il me réservait visiblement. Celui-là, il ne me portait pas dans son cœur, tant mieux, c'était réciproque. Il s'assit et je fus la seule à rester debout. Même si la position assise était toujours celle du pouvoir lors d'une négociation, je préférais regarder les autres de haut.

- Enchanté, Aiko. Resli.

Son regard froid me le confirma à nouveau juste au cas où je ne l'aurais pas bien compris. La rouquine aux pieds nus, elle, sourit, encore. Écœurant, pensais-je. Ne s'arrêtait-elle donc jamais ? Le soleil avait, lentement mais néanmoins sûrement, disparu derrière l'horizon. Pas trop tôt... Vivement qu'il fasse nuit noire et que des silhouettes inquiétantes se forment dans le paysage. Certaines personnes aimaient regarder les nuages le jour, moi, c'était les ombres mystérieuses durant la nuit.

- Enchantée aussi...

Pendant une seconde, je me vis répondre « Moi je suis tout sauf enchantée, d'ailleurs, je me casse. » mais je ne pouvais pas partir, c'était ridicule. Mais bon, le mec de l'auvent devait bien se douter de ce que je pensais et cette Aiko pouvait encore me servir.

- Personne ici n'aurait le fabuleux pouvoir de faire apparaître des sacs de couchage, par un pur hasard fortuit ?

Euh... C'était quoi cette question bizarre ? Cette fille avait un esprit tordu, peut-être qu'avec une pointe de méchanceté, ça pourrait être amusant. Je devrais essayer de la convertir... Je souris face à cette pensée, on ne rendait pas les gens mauvais en un clin d'œil. Note que, mon pouvoir serait sûrement capable de le faire mais ce ne serait pas drôle si elle n'était pas vraiment mauvaise. De son plein gré, je voulais dire.

- Non, et je ne vois pas ce que ça aurait de « fabuleux ».

Elle pouvait quand même supporter une nuit à la belle étoile, c'était pas la mort. Par contre, je connaissais un certain pouvoir qui nous permettrait de sortir de là. Fallait-il que je parle du don de Jun ? Ça signifiait presque à coup sûr que le jeu était terminé et que nous pourrions sortir. Une phrase alléchante me vint à l'esprit. Après tout, autant m'amuser encore un peu.

- Cependant je sais que quelqu'un ici peut déplacer des objets. Mais, je ne sais pas si ça fonctionne sur les choses plus grandes disons,... qu'un canif.

Je rivai mon regard dans celui de Jun, un petit sourire aux lèvres.

HRP:

Elle sourit, j'aime les personnes qui sourient. Cela a le don de me mettre bien à l'aise. Avouez qu'une personne tout le temps triste, ça met mal à l'aise, non? Pour ma part, ça me fait rougir et je n'aime pas ça du tout. Je dois surement être étrange, personne ne rougit devant une personne triste, qu'est-ce que je raconte...

- Enchantée aussi...

Je souris. Je doute que Resli soit enchantée. On se croit dans un animé comme ceux que je regardais avec Johanna... Fairy Tail, par exemple... Il y a les mages gentils, pure et amusant et les mages méchants, obscures et adeptes de la magie noire... Comme d'habitude on pleure sur le sort des pauvres gentils et on déteste les méchants. C'est ce qu'il se passe en ce moment. La magie, le camps des méchants, le camps des gentils. Tout y est!

- Personne ici n'aurait le fabuleux pouvoir de faire apparaître des sacs de couchage, par un pur hasard fortuit ?

Je souris et lâchai un petit rire sympathique et amusé. C'est stupidement mignon cette question. Resli avait, elle, encore ce sourire malsain. Quelle méchanceté va-t-elle encore nous sortir... Je la vois bien venir. Je m'arrêtai de rire pour regarder Resli.

- Non, et je ne vois pas ce que ça aurait de « fabuleux ».

Et bien, mademoiselle Resli ça vous éviterait à toutes deux de ne pas attraper la crève, par exemple. Bien que ce qu'Aiko ait dit ne soit pas très intelligent, je trouve cette Resli encore plus stupide.

- Cependant je sais que quelqu'un ici peut déplacer des objets. Mais, je ne sais pas si ça fonctionne sur les choses plus grandes disons,... qu'un canif.

Je tournai mon regard vers Resli. La colère envahi mon corps puis laissa la place à une visage calme étonné qui réfléchissait. Oui ce jour-là, je m'en souviens très bien. J'aurais peut-être dû lui modifier la mémoire à celle là aussi. De toute façon, je suis trop faible pour utiliser la magie.

- J'ai bien la capacité de déplacer les objets et de les détruire de l'intérieur... Mais... mais... veuillez m'en excuser, ma faiblesse m'en empêche. En évoquant un canif, tu voulais parler de... je jetai un regard dans ma poche, ça?

En une fraction de seconde, je sortis le canif de ma poche avant d'enclencher la lame et de le lancer en direction de Resli. Il passa quelques millimètres à côté d'elle avant de se planter dans le mur. Je souris satisfait.

- Je suis très fort au corps-à-corps et au lancé de couteau. Je maîtrise aussi le sabre, alors si on nous attaque, je suis là! dis-je, puis mon expression du visage changea. Pardonnez-moi, je doute que ce soit le moment pour parler de cela...

Au niveau gaffe, je suis le Roi. Mais, il faut détendre l'atmosphère si je veux passer la nuit en compagnie de Resli. Je dormirai, alors, pour ne plus entendre sa voix qui m'énerve tant...

« Non, et je ne vois pas ce que ça aurait de « fabuleux ». »

Ah bon ? Mais si ! Ce serait fabuleux, parce qu'on pourrait dormir au sec, au chaud et tout ça. En plus, la nuit, il y a des monstres, si on a pas de feu avec nous. C'est Mr Huge qui me l'a dit, lors d'une veillée. Et un jour, il est parti loin du feu, et on l'a plus jamais revu ! C'est une preuve. Les monstres l'ont mangé, et les monstres aiment les enfants. Je baissai les yeux.

« T'as plus l'âge de flipper pour des trucs de ce genre. T'es plus une gamine, peureuse. »

« Cependant je sais que quelqu'un ici peut déplacer des objets. Mais, je ne sais pas si ça fonctionne sur les choses plus grandes disons,... qu'un canif. »

Hein ? Un canif ? Déplacer des objets ? Genre des gens et tout ? Il pourrait nous soulever ? Ou alors, soulever un duvet et nous l'apporter ? J'avais déjà en tête des tonnes d'utilités à ce pouvoir. Quant à 'les faire exploser de l'intérieur' -imploser, donc ?-, ça ne pouvait servir que pour les machin qu'il faut craquer pour faire de la lumière ou de la chaleur. On les gagne souvent à la foire, non ?

« J'ai bien la capacité de déplacer les objets et de les détruire de l'intérieur... Mais... mais... veuillez m'en excuser, ma faiblesse m'en empêche. En évoquant un canif, tu voulais parler de... ça? »

Je sursautai. Le gus avait sorti un canif de sa poche et l'avait lancé sur Muesli. Resli, pardon. C'est à cause des céréales, tout ça. Je me sentais impuissante, une fraction de seconde durant. Je ne pouvais rien faire. Le couteau allait tuer Resli. Ensuite, Jun allait manger sa chair et boire son sang, comme le font tous les meurtriers. Ensuite viendrait mon tour, après m'avoir torturée et...

« Je suis très fort au corps-à-corps et au lancé de couteau. Je maîtrise aussi le sabre, alors si on nous attaque, je suis là! Pardonnez-moi, je doute que ce soit le moment pour parler de cela... »

« Et tu crois que ça va nous rassurer ? »

Une fois encore, je parlais plus vite que je ne réfléchissait. Il faudrait que je songe un de ces jours à m'exploser la tête contre le mur, ou à mettre une minuterie à ma bouche qui me servirait à laisser une trentaine de secondes avant de parler. Elle pourrait être reliée à mon cerveau, et juger de la précision et de la véracité de mon raisonnement.

« Il ne t'autoriserai jamais à parler. »

... Tais toi.

Je levai les yeux vers les deux autres. Le pire, c'est que je ne savais absolument pas cacher mes sentiments. Certes, je souriais toujours, mais merde, j'avais une voix de proie. C'est hyper désagréable, vous savez. Enfin, au pire, je pourrais toujours utiliser mon fantastique pouvoir.
Qui est tout à fait inutile en cas de danger.

Je la sentais mal, cette nuit... Pourquoi es-ce que je me retrouvais là, hein ? J'avais fait quelque chose de mal ? Les Dieux m'avaient punie pour être partie de chez moi ? De n'avoir pas pu retrouver mes amis ? De me plaire dans cette académie ?
Je veux bien confesser tout ça. Mais c'est pas du tout des pêchés !
J'ai rien faaaaaaaaaait.

Finalement, j'étais bel et bien en pleine crise.
Mes nerfs vont lâcher.

Un éclair de colère dans ses yeux. Puis, le calme, soudain revenu. Comme par magie. Il était sur ses gardes et ne se laisserait probablement pas prendre au piège comme la dernière fois.

- J'ai bien la capacité de déplacer les objets et de les détruire de l'intérieur... Mais... mais... veuillez m'en excuser, ma faiblesse m'en empêche.

Trop faible pour utiliser son pouvoir, hein ? Y avait-il réellement besoin de redire ce que j'en pensais ? Jun me donnait à chaque seconde passée en sa présence une raison supplémentaire de le trouver lamentable. Il m'était de plus en plus antipathique. Tant pis, ce sera lui qui en pâtira. Cette nuit n'allait pas être de tout repos...

- En évoquant un canif, tu voulais parler de... ça?

Je compris presque tout de suite ce qu'il projetait lorsqu'il jeta un coup d'œil à sa poche. Une fraction de seconde trop tard. Je ne pensais pas que ce mec aurait le cran de le faire, à cause de la rouquine mais le couteau filait bel et bien vers moi, trop rapide pour que je puisse l'éviter, mortelle. Je me sentis passablement agacée de mourir aussi bêtement et surtout, de la main de ce petit roquet qu'était Jun. Je n'avais pas accompli grand chose dans ma courte vie... À choisir, j'aurais quand même préféré rester encore un peu pour répandre le mal, faire une grande action, un coup d'éclat, histoire d'avoir quelque chose à raconter durant mon séjour en enfer.

Au final, je faisais face à mon trépas avec un calme remarquable. Comme aurait dit Peter Pan : « La mort, ça doit être une merveilleuse aventure. » La lame siffla et... passa à un cheveu de ma joue avant de se planter dans le mur. Tiens, quelqu'un là-haut a dû se dire que ce n'était pas mon heure... Je grimaçai. Je n'aimais pas l'idée que les événements soient hors de mon contrôle. À côté de moi, Aiko avait l'air terrorisée par la scène qui venait de se dérouler sous ses yeux. Forcément, elle n'était pas préparée à ça.

- Je suis très fort au corps-à-corps et au lancé de couteau. Je maîtrise aussi le sabre, alors si on nous attaque, je suis là! Pardonnez-moi, je doute que ce soit le moment pour parler de cela...

Ainsi il savait se battre au sabre, c'était intéressant. J'avais moi-même pris quelques cours d'escrime, plus jeune. J'avais dû arrêter rapidement car mon agressivité effrayait mes adversaires, ils tremblaient de tous leurs membres déjà avant de commencer le combat, ils avaient sûrement peur de se faire trouer la peau. Et, effectivement, si j'avais pu, je l'aurais fait, ça devait se lire dans mon regard.

- Et tu crois que ça va nous rassurer ?

Et pan dans la gueule, Jun, c'est à mon tour de sourire. T'as fait peur à la rouquine, voilà ce qu'on gagne à essayer d'être gentil. Je ne pouvais pas dire ça à haute voix, ça manquerait de classe mais mon regard pouvait parler à leur place, et c'est ce qu'il fit. Mais bon, je ne pouvais pas manquer de faire une petite et sympathique remarque.

- Oui, c'est vrai. On aurait dit que tu avais envie de nous faire du mal.

Phrase lourde de sous-entendus. Aiko ne comprenait toujours pas le quart de la situation actuelle. Ça pouvait être drôle d'abuser de sa fraîcheur et de sa naïveté tout en énervant mon ami le blondinet. Je ferais d'une pierre deux coups. Vu que j'avais le droit de vivre, autant en profiter...

HRP:

Aiko semblait être effrayée par mon geste. Quel boulet, voilà j'ai encore fait une erreur. Resli va surement sympathisé avec elle - enfin pour de faux, pour bien lui faire mal psychologiquement - et moi, je resterai seul dans un coin. Elle n'attend que ça, mon malheur et elle n'attend pas que le mien... Quelle fille cruelle, même ce mot est trop faible pour la décrire et pourtant... c'est moi qui ça... Je suis peut-être un petit marrant après tout... Moi le gars sympa qui peut devenir agressif à n'importe quel moment...

- Et tu crois que ça va nous rassurer ?

Je baissai la tête. Effectivement j'avais encore merder. Ça... ça fait mal de se recevoir une telle phrase dans la gueule... C'est trop de souvenirs, de mauvais souvenirs. Nous avons nos bons et mauvais souvenirs ensemble Johanna... Car oui, en ce moment, je pense à ce jour-là. Ce jour où j'ai attaqué un pauvre - enfin, façon de parler - garçon et que tu t'es interposée. Mon canif que j'ai planté dans le mur aujourd'hui s'était lui planté dans ton ventre. Malgré la douleur et malgré que tu étais à terre, tu étais encore éveillée. Tu pleurais, tu pleurais beaucoup. Tu me criais dessus avec rage et désolation. Je me rappelle que tu m'avais dit ceci : J'ai tellement de sentiments à ton égard, mais maintenant, ça m'est égal! Même si ce garçon t'as fait beaucoup de mal, tu n'avais pas à agir ainsi... Jun, je te déteste! Je te déteste! Là tout de suit, je m'attends bien à une réplique méchante de Resli, il faut que je m'y prépare. Johanna, je te le promets, je ne lui ferais aucun mal, cette fois. Je te le jure, c'est une promesse et je ne te mentirai jamais, surtout à toi.

- Oui, c'est vrai. On aurait dit que tu avais envie de nous faire du mal.

Nous faire du mal, a-t-elle dit? Quelle phrase mal employée, très chère Resli! À Aiko, je ne veux aucun mal, mais à toi sale peste, j'ai bien envie de mettre mon poing dans ta face. Voilà ce que j'aurais voulu lui dire, mais je ne le fis pas. Tu vois, je te l'ai promis. Je levai la tête le visage sans expression. Le silence règne. Et... après quelques secondes, un gentil sourire s'affiche sur mon visage. Je tournai la tête vers Aiko :

- Oui, tu as raison. Comme dirait ma mère, garde ta salive. C'était une erreur de ma part. Je n'ai pas envie d'être en froid avec toi toute la nuit, veux-tu me pardonner... s'il te plait? demandai-je en ignorant Resli.

Je lui fis encore un sourire. J'espère qu'elle va accepter de me pardonner. Je ne veux pas d'ennemis, je ne veux pas que l'on me hait, je ne veux pas que quelqu'un me dise "je te déteste" encore une fois.

« Oui, c'est vrai. On aurait dit que tu avais envie de nous faire du mal. »

Tout à fait. Alors qu'on est deux pauvres petites filles sans défenses et traumatisées par le tremblement de terre qui nous a sans doute cassé quelques os et ... Et tout ça. Quand j'étais au Cirque, Grey me disait toujours que j'étais complètement maso. Je n'ai appris la signification de ce mot que très récemment, et je tiens à dire que c'est complètement faux. Enfin, complètement est un grand mot, mais voilà, quoi. Je n'ai vraiment pas envie de finir ma vie tuée à coup de couteaux volants par un psychopathe aux yeux rouges.

« Oui, tu as raison. Comme dirait ma mère, garde ta salive. C'était une erreur de ma part. Je n'ai pas envie d'être en froid avec toi toute la nuit, veux-tu me pardonner... s'il te plaît ? »

"S'il-te plaît" ? Eh bien... Comment refuser ? Même si c'est un psychopathe, il est poli. C'est un bon début. Quoique, j'ai déjà entendu parler de fous qui invitaient leur victime au restaurant avant de la découper sauvagement au fond d'une ruelle sombre.
Certes, mais on sait jamais, hein.
J'imaginais une table, avec des chandelles, au beau milieu des décombres. Et nous trois autour. En train de manger un repas succulent, du genre une salade avec des toast au chèvre, et du jambon cru, et aussi des noix, des petites tomates et deux ou trois brin de sauge sauvage.

« D'accord, mais on mange un plat chaud. »

... Mon estomac parle toujours avant que mon cerveau ait eu le temps de l'en empêcher.
Complètement hors-sujet.

« Enfin, je veux dire... »

Ouais, c'est bien d'avoir commencé la phrase, mais je voulais dire quoi concrètement ?

« Tu ne vas plus agresser personne ? »

Ce serait bien d'avoir la confirmation. Je ne veux pas mourir, moi. Si je décède, Grey et Malicia ne le sauront pas, ils continueront à m'attendre et à me chercher, et ils finiront desséchés dans un désert parce qu'ils n'auront plus assez d'eau. C'est toujours comme ça, dans les films. Ceux qui parlent de drames, pas ceux ou des cowboys homosexuels mangent du pudding.
Nerveusement, je fis craquer mes doigts, puis j'entrepris d'ôter les morceaux de verre plantés dans ma peau.

- Oui, tu as raison. Comme dirait ma mère, garde ta salive. C'était une erreur de ma part. Je n'ai pas envie d'être en froid avec toi toute la nuit, veux-tu me pardonner... s'il te plaît ?

Ça ne s'adressait pas à moi, je pouvais en être sûre. Mais bon, on peut toujours rêver, ça m'aurait bien fait marrer qu'il s'aplatisse devant moi, la queue entre les jambes... Ma grande, tu te fais des films. Oui, et en plus, ça n'aurait été drôle qu'à court terme, c'était bien mieux quand il s'énervait. Je me demandai quand même si son petit numéro allait avoir beaucoup d'effet, il ne fallait tout de même pas oublier que, deux minutes auparavant, il m'avait lancé un couteau à la tronche. Couteau que je pris, m'imaginant déjà ce que je pourrais en faire ce soir...

- D'accord, mais on mange un plat chaud.

Je haussai les sourcils, c'était la deuxième fois que la rouquine faisait une réflexion totalement hors-sujet J'aurais bien aimé connaître le fil des pensées de cette fille, ça devait être rudement intéressant. Elle se reprit néanmoins rapidement.

- Enfin, je veux dire... Tu ne vas plus agresser personne ?

Ça m'étonnerait, il allait certainement essayer de profiter de mon sommeil pour m'égorger, tout en pensant que je voudrais faire de même. C'était faux, d'ailleurs. Ça manquerait terriblement de classe de faire ça de cette manière. Non, je préférerais le détruire psychologiquement avant de l'achever, quand il ne m'amuserait plus, ce serait plus propre. En fait, Aiko devrait avoir peur de moi et non pas de Jun.

- Ça, vois-tu, il ne peut pas te le promettre, il ne se contrôle pas.

Dans le fond, c'était la vérité, je ne faisais qu'informer une pauvre future victime du sort qui l'attendait. Encore que, ça m'aurait étonnée qu'elle arrive à le pousser dans ses derniers retranchements, il fallait le vouloir pour y arriver. Et, quand bien même il serait énervé, je pense qu'il aurait plutôt tendance à taper sur moi. Je remarquai alors que la rousse s'était mise à retirer les morceaux de verre plantés dans sa peau. Très mauvaise idée, ça pissait le sang. Je n'aimais pas voir les gens mourir, ça aurait fait tache, l'autre était une exception, mais, par orgueil, je ne pouvais pas lui dire d'arrêter à haute voix. Alors, je la fixai du regard, ce ne fut pas bien difficile de trouver le sien, et j'utilisai mon pouvoir pour lui intimer de ne plus toucher à ces bouts coupants. L'œil de mon serpent d'argent scintilla brièvement, bien caché derrière ma masse de cheveux noirs.

« Ça, vois-tu, il ne peut pas te le promettre, il ne se contrôle pas. »

Ah oui, zut, bon, alors on va vraiment finir en petits morceaux. J'aurais préféré mourir d'une autre manière. Un truc original, du genre... Rester coincée dans un arbre, après avoir fait une chute de parapente. Ou après une indigestion de thé. Enfin un truc qui soit pas trop ennuyeux, quoi. Me laisser découper au couteau, ça me botte pas tant que ça.
Mais, si il ne se contrôle pas, il y a aussi une possibilité qu'on en réchappe. Par exemple, il pourrait ne pas pouvoir se contrôler d'être gentil, et il nous ferait à bouffer. Ou, il ne pourrait pas se contrôler de sauter dans tous les sens, et du coup, il ne pourrait pas nous découper, ce serait trop... Compliqué. Ou ce serait un massacre. Bref, il y a des tonnes de choses qui pourraient le gêner. J'estime nos chances de survie à... 5o%. C'est un bon résultat.

« Je n'ai agressé personne, je n'agresserai personne, »

Voilà qui remet tout ce que je pensais en question. Si il n'a agressé personne, alors il n'y a pas eu d'agression, et s'il n'y a pas eu d'agression, Resli ne devrait pas se sentir agressée, du coup, je ne devrais pas avoir la trouille d'être agressée à mon tour, puisqu'en plus, Jun n'agressera personne, par conséquent, l'agressivité ressentie quelques instants plus tôt était un pur produit de mon esprit, et en plus, pas d'agression revient à revoir à la hausse nos chances de survie, et aucune raison d'être agressive étant donné que... Hein ?


Aurais-je loupé quelque chose, perdue dans les sombres et stupides méandres de mon cervelet ?
Je les observait de loin, attendant la réponse de la jeune fille. Quelque chose me démangeait. Qu'étais-je entrain de faire il y a quelques secondes à peine ? Je posais mon regard sur les morceaux de verre plantés dans ma peau.

« ... »

C'est ça, j'étais en train de les enlever. Je n'avais pas terminé, pourquoi... Pourquoi avais-je cessé ? Je fronçai les sourcils, agacée par ce trou de mémoire. D'habitude, tout ce que je faisais avait une raison bien déterminée. Qu'elle soit stupide, intelligente, inutile ou irréfléchie, je m'en fichais. Mais je savais pourquoi je bougeais. Et quand je faisais quelque chose sans raison, je savais que je n'avais pas de raison. En fin de compte... C'était étrange.
Rien. Aucune idée de pourquoi.

Bon. Mieux vaut mettre ça sur le compte des nerfs, et passer à autre chose, pas vrai ? Par exemple, reprendre la tâche là où elle s'était arrêtée. J'avançai ma main vers mon mollet, bien décidée à ôter les bouts de verres qui squattaient mon corps. Et là, impossible. Mon bras était bloqué. J'eus envie de pleurer. Qu'es-ce qu'il se passait, mon dieu ?

A cet instant, je redevins comme quand j'étais toute petite. Un jour, j'étais partie trop loin du Cirque, dans une grande ville, et je ne pouvais retrouver ma route. Après avoir erré des heures durant dans les ruelles malfamées de la bourgade, je m'étais assise pour me reposer un peu. La panique m'avait paralysée.
Au final, j'avais passé une nuit dehors, puis avait été retrouvée de justesse par ma mère. Tout est bien qui finit bien, dirait un vieux. Mais ça n'a rien à voir avec notre histoire.

Je me frottai les yeux, fatiguée. Tant pis pour les bouts de verre, tant pis pour le tremblement de terre, tant pis pour ma mort prochaine. Mes doigts craquèrent quand je les écrasais sur le bloc de béton qui me servait de siège.

Ca faisait du bien.

- Je n'ai agressé personne, je n'agresserai personne, répondit-il d'une voix absente.

Non, bien sûr, envoyer un couteau à la figure de quelqu'un, ce n'est pas l'agresser. D'ailleurs, si je le lui plantais dans le ventre à l'instant même, ça ne serait pas agressif non plus, juste mérité. Tiens, c'était une idée à retenir, ça... Non, lui lacérer le visage serait nettement plus amusant, il l'aurait bien cherché de toute manière. Je me rendis soudain compte que je sentais un sourire sadique poindre sur mes lèvres. Non, pas encore ! Allez, concentre-toi, Resli, poker face. Ouf, juste à temps, je retrouvai mon masque de marbre. J'avais bien failli me laisser aller, il ne fallait pas qu'Aiko voie ma vraie nature tout de suite, ça faisait partie de mon plan. Entre-temps, Jun s'était avancé vers moi, il me tendit la main pendant que je le regardais avec circonspection et... me surprit.

- Puis-je avoir mon couteau, Resli?

Silence. Attente.

- ...S'il te plait?

Venant de sa part, c'était un effort monumental, j'en étais consciente, les pouilleux ne disent pas "s'il-te-plaît". Et donc il me demandait de lui rendre... son couteau. Ce couteau avec lequel je jouais depuis quelques minutes, passant la lame contre ma peau, la tranchant presque à vif. Elle était ancienne mais pas émoussée et parfaitement astiquée, il en avait pris le plus grand soin. Ce canif était-il si important à ses yeux pour qu'il se force ainsi ? Intéressant... Toutefois, il me fallait prendre une décision quant à sa requête. Devais-je l'égorger ? L'éventer ? Le scalper ? Lui couper l'oreille ? Lui rendre son bien ?

- Si ce n'est pour me parler décemment que lorsque tu as quelque chose à me demander, lui dis-je, dédaigneuse.

Et je laissai tomber sa si précieuse dague dans sa main. Du coin de l'œil, je vis la rouquine essayer tendre le bras vers un des morceaux de verre pour l'ôter de sa chair. J'avais bien fait de l'hypnotiser à long terme, celle-là - le pire, c'était qu'elle n'avait rien remarqué. Je dus quand même me mordre les lèvres pour ne pas lui dire bien fort d'arrêter ça. Je n'en eu pas besoin, mon don fonctionnait tout à fait, elle passa à autre chose, sans plus penser à refaire une bêtise. Elle se frotta les yeux et fit craquer ses mains, à l'aise. Oh, wait ! Je suis en train de m'intéresser à ce qu'elle fait, là ? Brrr, ça, c'était la seule chose capable de me troubler, moi, l'imperturbable, quand, moi, j'avais des réflexions anormales, quand je faisais attention à quelqu'un. Il fallait que cette infamie s'arrête. Sur le champ.

GIVE ME THAT.
Un pauvre canif si précieux? Et bah ouais.

HRP:

Je remarquai le sourire sadique qui apparut sur les lèvres de Resli une fraction de seconde. Malheureusement, Aiko, elle, ne le remarqua pas. J'ai tellement peur de la voir pleurer ou de la voir se battre contre Resli. Cela me rappellerait de mauvais souvenirs... très mauvais. Il faut que j'empêche Resli de faire quoi que ce soit à Aiko et que j'empêche aussi... l'autre moi. La personne qui est cachée au fond de mon être est mauvaise et impulsive. Non, je dois la protéger et me protéger de... moi même...

- Si ce n'est pour me parler décemment que lorsque tu as quelque chose à me demander

Je ne répondis pas. Je ne dois pas entrer dans son jeu grotesque. Je scrutai le couteau couvert de quelques gouttes de sang. Sûrement celui de Resli. Quelle masochiste... Je ne veux pas que ce sang impur souille la lame de ton précieux couteau, Johanna! Tu étais tout ce qu'il y a de plus pur... si ça se trouve... c'était toi que je cherchais depuis des années... J'aimerais réparer mon errer, pour que tu vive encore à mes côtés! Resli lâcha le couteau dans ma main. Je le serrai très fort empêchant les larmes sortir de mes yeux. Je repris ma respiration et me dirigeai vers les gravas qui nous empêcher de sortir. Je me tournai ensuite vers les deux filles, un air sérieux et mature.

- Nous ne mourrons pas aujourd'hui et pas ici! Relevons-nous et faisons notre possible pour sortir d'ici! Nous ne sommes pas des faibles! finis-je avec une petite larme qui coula le long de mon visage.

Je me tournai vers l'obstacle et me concentrai. Mes yeux passèrent toutes les couleurs de l'arc-en-ciel jusqu'à devenir rouge comme le sang. Je tendis mes bras pleins de verres devant moi et commençai à détruire un gros blog de béton par l'intérieur. J'affichai un sourire. Johanna, tu me vois? Regarde, je ne suis plus un faible. Et plusieurs larmes coulèrent vers mon sourire qui j'essuyai automatiquement.

NE ME TRAITEZ PLUS JAMAIS DE NABOT!
Le courage a envahi son être.

Jun ne me répondit pas, il serra les dents et mordit sur sa chique. Mais ce n'était certainement plus qu'une question de temps, il allait craquer, c'était inévitable. Il ferma le poing sur sa lame, très fort, comme pour par peur de la perdre. Ce fut un miracle si aucune goutte de sang ne s'écoula de sa paume fermée - je ne l'aurais pas ratée dans le cas contraire. Il se releva ensuite, fier comme un paon et déclara haut et fort en nous regardant Aiko et moi :

- Nous ne mourrons pas aujourd'hui et pas ici! Relevons-nous et faisons notre possible pour sortir d'ici! Nous ne sommes pas des faibles!

Et il ponctua sa phrase en faisant exploser un énorme bloc de béton. Une larme aux reflets argentés s'échappa de sa paupière et roula le long de sa joue pour finir définitivement sa course au sol. Quelle était la chose qui l'émouvait à ce point ? Mystère. À moins que ça ne soit les retrouvailles avec son couteau si spécial. Auquel cas, il descendait encore plus bas dans mon estime, s'attacher ainsi à de simples objets était tout bonnement ridicule et insensé, je le croyais plus rationnel que ça.

- Ne fais pas de ton cas une généralité, petit héros de pacotille. Tu es un faible... et moi je suis plus maligne, j'attends les secours.

Sans risquer de me briser un ongle. C'était plus fort que moi, casser son petit discours héroïque et théâtral était tellement amusant. Puis, de toute manière, il n'était pas question que je me bouge pour sortir d'ici, c'était le travail des sous-fifres, ça.

HÉROS... DE PACOTILLE?
Le "héros de pacotille" va te faire ravaler tes paroles...