Le rythme des cours était plutôt fatiguant, moi qui étais habituée à ce qu’on me fasse travailler à domicile. Mais après tout, il ne fallait pas que je me plaigne : j’allais à présent dans une académie, comme le commun des enfants, pour apprendre. J’avais décidé de prendre une pause sur ma journée, arrêtant de travailler mes devoirs pour visiter un peu plus l’école. Ça commençait à faire déjà un petit moment que j’étais arrivée ici, mais là encore je ne connaissais pas tous les endroits qu’il abritait. J’allais là où on m’emmenait, ou alors je me promenais la nuit dans les couloirs sans pouvoir ouvrir la plupart des portes. Oui, la nuit je ne dormais que très peu, tout simplement parce que je n’y arrivais pas, par conséquent il fallait que je m’occupe.
J’avais décidé d’explorer le bâtiment principal le jour, histoire de pouvoir entrer partout où je le voulais. Sans but précis, j’avais pris les escaliers pour la première fois et j’étais au milieu de ceux-ci lorsque j’entendis un cri qui me fit sursauter. Que se passait-il ? Il me semblait venir d’en haut, et avec prudence je commençai à continuer mon ascension.
Comme d’habitude, j’avais mis une jupe. Je ne mettais que ça puisque je n’avais que ça. Les pantalons, c’était affreux : ça serrait les jambes, ça donnait chaud et ce n’était pas pratique. Cette fois-ci elle était de couleur moutarde, rajustée par ma ceinture rouge fluo et comme haut, un débardeur violet pâle. On me disait parfois que je m’habillais d’une manière originale, pour ne pas dire que je ne savais pas marier les couleurs, mais j’aimais et c’était l’essentiel. Je ne pouvais concevoir mettre des habits sombres, ça ne me correspondais pas : ce style de couleur, c’était juste triste et ça donnait le cafard.
J’avais commencé à courir, de peur qu’une personne se soit blessée ou soit en danger. Arrivée à l’auvent, j’ouvris le portail grinçant. C’était un son plutôt désagréable, d’ailleurs. Directement, je remarquai de mes grands yeux bleus un jeune homme aux cheveux argentés : il ne me semblait pas blessé, et c’était rassurant.

Je m’avançai pour voir s’il n’y avait personne d’autre, ma longue chevelure blonde ondulée qui m’arrivait jusqu’au bas du dos flottant derrière moi à cause du léger vent. Immédiatement, je me sentie obligée de continuer à parler. C’était souvent comme ça : je parlais trop, sans laisser aux gens le temps de me répondre.

Peut-être avais-je rêvé ? Peut-être n’y avait-il jamais eu de cri ? Allait-il me prendre pour une folle ? Ça se trouve, c’est ce que j’étais… Ou alors, je réfléchissais trop. J’optais pour la dernière possibilité, même s’il ne fallait pas être devin pour le savoir.

Je remarquai que le jeune homme ne semblait pas vraiment savoir quoi répondre. Il en était presque mal à l’aise. Je souris doucement histoire d’essayer de le rassurer ou de le mettre plus en confiance, comme je le faisais parfois. J’adorais sourire, et je le faisais autant que je le pouvais : ça me faisait du bien mais ça me permettait quelque part de transmettre mes émotions aux autres et parfois même leur donner.

Instantanément, je me mis à froncer les sourcils, tout en gardant mon sourire. Des images de son passé ? Celui-ci ne devait pas être très joyeux dans ce cas… Avait-il fait des choses qui incarnaient le mal ? Si c’était le cas, je ne savais pas comment il fallait que je réagisse… Ma grand-mère m’avait élevée en me disant que lorsque l'on naissait avec de la magie en soit, c’est que l’on avait une mission. À partir de là, nous ne sommes plus mélangé au commun des mortels : on devient différents d’eux, et notre but est de faire régner la paix dans ce monde et supprimant le mal qui existe sur notre terre. Nous devons protéger les autres, particulièrement ceux qui ne peuvent se protéger seuls, et c’est pour cela que la magie nous a été donnée : pour faire le bien. Ceux qui s’en servent pour tuer les gens ou les faire souffrir sans raison précise, juste pour se satisfaire eux-mêmes ou régler leurs comptes, ne méritent alors pas de l’avoir : si on voit quelqu'un faire un mauvais acte nous devons le supprimer ou changer sa façon de penser dans l'immédiat, sans lui laisser de seconde chance. S'il l'avait fait dans le passé, ma grand-mère m'avait dit que c'était à ce moment là que je devais laisser parler mon intuition et faire ce qui me semblait être le mieux. Après, je me faisais peut-être des idées au sujet de ce garçon.

Le soleil qui descendait dans le ciel en commençant à lui donner des teintes orangées m’éblouissait, je décidai donc d’aller me mettre à l’ombre, je vins donc m’appuyer dos au soleil contre le grillage. Quelques mèches de mes cheveux étaient, comme d’habitude, venues devant mes yeux. À l’aide de ma main gauche, je les remis derrière mon oreille, dévoilant la marque sur mon poignet que je faisais passer pour un tatouage. C’était un oméga écrit en majuscule suivit de deux triangles se faisant verticalement face. Je n’avais jamais su ce qu’il était : ma mémoire ne commençait pour moi qu’à partir de mes 6 ans et je me souvenais l’avoir toujours eu à partir de cette période-là.

Le mensonge, c’était quelque chose d’affreux. Mais mon problème, c’était que je ne savais pas lorsqu’on me mentait ou non : pour moi, tout ce qu’on me disait était vrai, je donnais mon entière confiance aux gens (sauf quand ceux-ci ne savaient pas mentir et que je le voyais) : j’étais naïve, mais ça je ne m’en rendais pas compte.

Alors, j’étais compatissante. Un chien, c’était un être pour lequel on éprouvait de l’amour, on le câlinait et si on était bon avec lui, il nous aimait pendant le restant de nos jours, nous donnant des preuves d’affection. Je n’avais jamais eu ni chat ni chien à proprement parlé vu que ma grand-mère gardait parfois ceux des voisins lorsqu’ils devaient s’absenter pour des urgences. Je jouais parfois avec le chien des voisins, mais ce souvenir était très vague : je ne m’en rappelais plus.
Après réflexion, le chien du garçon devait faire un drôle de bruit lors de sa mort. Ça devait être très désagréable, c’était comme vivre l’enfer. Ce bruit devait venir de là-bas d’ailleurs, et je ne croyais pas si bien penser. Je plaignais la pauvre bête.

Je lui donnai un sourire et un regard bienveillant, comme j’aimais le faire, dans le but de le réconforter et de lui montrer qu’il pouvait me faire confiance. S’il ne me faisait pas confiance, je ne lui en aurais pas voulu : c’était normal, nous ne nous connaissions pas, et je ne forçais pas les gens à m’aimer, loin de là mon intention.

Je n’avais pas pu m’empêcher de dire ça : ça avait été plus fort que moi. Vraiment plus fort. Et je ne le regrettais pas, je ne voulais pas m’imposer à lui en lui parlant d’un sujet qui sûrement devait le faire souffrir, à moins que ce sentiment de souffrance n’avait été que passager et qu’il avait fait totalement son deuil.