J'entrai - ou plutôt sortis - dans l'auvent et, à mon grand contentement et ma grande surprise aussi, découvris que l'endroit n'était pas de ce bleu écœurant comme le reste de l'école. Quel soulagement ! J'avais beau prétendre m'appeler Blue, je n'en étais pas moins sujette à l'allergie que provoquait cette couleur chez tous les élèves à un moment ou à un autre de l'année. Et, je ne savais pas pourquoi, mais j'avais l'air de moins bien supporter cet indigo que les autres étudiants, allez savoir pourquoi. De plus, cet endroit dégageait une atmosphère paisible et envoûtante, raison supplémentaire pour l'apprécier à sa juste valeur. Les grandes grilles en fer rouillé qui en barraient l'accès lui donnaient un air vieux et authentique, le cadre dans lequel il baignait m'apaisait, et c'était bien la première fois que quelque chose dans ce genre m'arrivait depuis "l'accident". Il était fort possible que l'auvent devienne dès à présent mon lieu de prédilection dans cette académie entièrement bleue.

D'un coup, une brise fraîche vint me fouetter le visage, découvrant légèrement mon oreille gauche et ce maudit anneau. Ça n'avait de toute manière pas d'importance, j'étais seule donc, pour une fois, je m'en fichai et laissai le vent faire bouger mes cheveux à sa guise. J'allai même jusqu'à m'asseoir sur la rambarde, les pieds pendant dans le vide, se balançant au rythme d'une mélodie que j''étais la seule à entendre.

D'ici, le paysage était magnifique. La nature s'épanouissait tranquillement en bas du balcon, les arbres étaient plus verdoyants que jamais, les fleurs colorées s'étendaient à perte de vue, le ciel, bien que son azur me dégoûta un peu en ce moment, faisait partie du décor et le complétait parfaitement, il était parsemé de dizaines de petits nuages blancs moutonneux.

Soudain, j'entendis la grille grincer et mon premier réflexe fut de porter ma main à mes cheveux pour les ramener d'un geste vif et précis contre mon oreille, personne ne devait savoir pour le serpent d'argent, absolument personne.

Le réveil fut brutal. Ce téléphone avec ces sonneries qui me saoulent... Un samsung, hein? Et bah je peux vous dire que leurs mélodies pour l'alarme sont vraiment nulles! J'en peux plus des ces musiques à deux balles... Ça me donne la migraine. Je me levai en appuyant violemment sur le bouton arrêt de mon portable. Une fois de plus, mes colocataires n'étaient pas là, ce qui me plaisait assez comme ça, je n'avais pas besoin de me changer dans la salle de bain.

Je n'avais pas prit le temps de me coiffer, mais je mis tout de même mes lunettes. Je portais un jean noir et une chemise large blanche. J'avais décidé de faire simple. Je courais vers la salle de cours, j'étais encore en retard, malgré que je sois un bon élève.

Arrivé devant la salle de classe, je l'ouvris en trébuchant. J'étais essoufflé. Le professeur me lança un regard noir et j'allai présenter mes excuses devant lui. Ça me rappelait ma première école au Japon... Je joignis mes mains et m'inclinai un peu pour lui demander pardon. Il pointa son doigt vers moi et hurla :

- Monsieur Meiko, depuis que tu es arrivé tu es tout le temps en retard et tu n'as même pas tes affaires. Pour la peine, tu passeras le balai puis la serpillière dans le bâtiment principal!

Hé! C'était un peu dur là comme punition... le bâtiment principal c'est... c'est énorme! Certains rirent de mon sort et d'autres chuchotèrent entre eux. Je me sentais mal à l'aise, ça me rappelait aussi ma première école, mais ce n'était pas un très bon souvenir... je rougis. Je m'assis ensuite à ma place avant de rêvasser. Vraiment, je me demande comment je fais pour avoir des bonnes notes! Je passe mon temps à rien faire et à dessiner!

Après être sorti de cours vers le début de l'après-midi, j'allai chercher mon MP3 dans ma chambre et je demandai à un adulte de m'indiquer où était le placard à balai. Je mis mes écouteurs et pris tout d'abord le balai puis je me dirigeai vers le bâtiment principal.

Cela faisait depuis quelques temps que je balayais et j'arrivais bientôt au auvent. Une musique qui m’entraînait et que j'aimais beaucoup passait sur mon MP3. Heureusement, personne n'était là alors je chantais à voix basse. Cette chanson... c'est une chanson qui était dans Fullmetal Alchemist Brotherhood. Je l'avais regardé avec Johanna. Elle trouvait que c'était triste et gore et elle ne cessait et cacher derrière quand on regardait cet animé. J'aimais bien cet animé moi! Il nous avait rapprochés, Mademoiselle Majenski et moi! Et puis quand j'arrivai à l'auvent j'ouvris les grilles violemment en chantant :

- Komma itami mo kangai jan ! ♪

Je tenais le balai entre mes deux mains et devant moi, j'étais ridicule, mais j'étais seu... ah! La honte... c-cette fille? Qu'est-ce qu'elle f-fait là? Bon OK, je chantais assez bien... Bon OK, j'arrête la modestie, je chantais très bien, mais c'est la honte de chanter comme ça, là! Je rougis avant de rire nerveusement et de prendre mon balai correctement.

- Ah, ah! ris-je nerveusement À force d'être en retard en cours, je dois passer le balai en punition!

Hein? P-pourquoi je dis ça? Cette chanson me rend maboule ou quoi? J'enlevai mes écouteurs avant d'éteindre mon MP3 et de le ranger dans ma poche. Je suis... je suis... vraiment honteux... En plus, mes joues rouges n'arrangent rien...

Je n'eus que le temps de sauter de la rambarde et de me reculer vers un endroit abrité du vent qu'un garçon au beaux cheveux blancs et aux d'un rouge rosé entrait déjà, un balai à la main et il... il... chantait, c'était bien ça. Et il fallait avouer qu'il se débrouillait plutôt bien. Tout absorbé par sa tâche - et surtout par sa chanson -, il ne me vit pas tout de suite puis, quand son regard se posa sur moi, son teint pâle vira immédiatement au rouge.

- Ah, ah ! À force d'être en retard en cours, je dois passer le balai en punition !

Sa nervosité et sa gêne se ressentaient sous l'auvent, je dus faire un effort considérable pour ne pas éclater de rire tant la situation était comique, j'avais quand même une réputation de méchante à tenir. Une rafale de vent souleva mes cheveux et, soudain, redevenir sérieuse ne me posa plus aucun problème, loin de là. Et être désagréable comme j'en avais l'habitude non plus.

Et je peux savoir pourquoi tu me racontes ta vie ?

J'avais envie de provoquer quelqu'un, de tester les limites de la patience des autres, voir s'il était soupe au lait ou d'un naturel posé. Non pas pour me défouler, plutôt pour utiliser la noirceur de mon âme à des fins... divertissantes. Et ce charmant garçon tombait à pique, il n'allait pas quitter l'auvent avant un bon moment vu toute la crasse qui y était accumulée. C'était l"occasion rêvée pour moi de m'amuser un peu...

Visiblement, il s'attendait à ce genre de répartie, mauvaise pioche. Les gens étaient-ils donc tous gentils dans cette école ? Ça en devenait désespérant...

- Je ne sais pas... je suis désolé de vous -Bon, me vouvoyer, c'était peut-être un peu trop, quoique...- avoir dérangé, je vais continuer mon travail.

Il ne penserait même pas à se faire respecter un tant soit peu... Et si je lui demandais de m'apporter un café, il allait le faire aussi ? Le garçon, les yeux rivés au sol, reprit son balayage en adoptant l'air de celui qui veut en finir au plus vite. Ça valait peut-être la peine d'essayer pour le café ou bien...

Je laissai tranquillement s'écouler dix minutes de silence, puis m'avançai avec un calme mesuré vers lui, n'oubliant pas d'éparpiller au passage le tas de poussière qu'il avait consciencieusement balayé durant ce laps de temps. C'est alors que je remarquai son expression triste de petit garçon abandonné, mes lèvres s'étirèrent en un sourire cruel. Ce n'était pas comme si voir une personne triste me réjouissait – en effet, rien n'était en mesure de me réjouir – je trouvais juste ça plutôt marrant... Bon d'accord, je trouvais ça très drôle. Mon pied se posa sur le balai qui émit un grincement inquiétant avant de s'étaler de tout son long au sol.
Déjà une chose de faite.
Pourtant, pas de réaction de la part du garçon, à croire que ça lui était indifférent.

- C'est donc ça, dis-je d'une voix songeuse, qu'on apprend dans cette académie... Se laisser marcher sur les pieds sans rien dire.

Je laissai passer quelques secondes avant de déclarer, méprisante et dure :

- C'est pathétique.

Petit commentaire:

Je ne comprends pas cette fille... elle est étrange. De toutes façons, je m'en fiche du temps qu'elle me laisse finir ma tâche. Je l'ai bien mérité, hein, de passer le balai dans tout le bâtiment principale, n'est-ce pas Johanna? Je sais ce que tu pense... je n'aurais pas dû être en retard. Tu as raison, je suis là pour travailler, pas pour flemmarder.

Le temps passa. Je soufflai, c'est fatiguant le balai! Je souris avant d'essuyer un goutte de sueur. Du bruit... des bruits de pas. Je me retourne. Ah, ce n'est qu'elle... pourtant, je ressens un malaise particulier dès qu'elle vient vers moi. Cette fille... a quelque chose d'étrange en elle qui me rend mal à l'aise. Elle sourit cruellement. Que me veut-elle à la fin? Je ne lui ai rien demandé! Elle éparpilla mes poussières avant d'appuyer fortement de son pied sur le balai qui s'écrasa par terre. Et bah, elle m'en veut celle-là! Mais, je réagis pas. Je suis habitué. Maintenant, ça ne me fait plus rien.

- C'est donc ça, qu'on apprend dans cette académie... Se laisser marcher sur les pieds sans rien dire.

Je baissai la tête. Elle n'a peut-être pas tort. Mais à quoi bon? À quoi bon m'énerver? La violence ne mène à rien... ou presque.

- C'est pathétique, finit-elle par déclarait avec mépris.

Je serrai les poings. La haine envahit mon coeur avant de se montrer sur mon visage. Je fronçai les sourcils. Et elle, qu’apprenait-elle? Aah, je vois, c'est si drôle de faire mal au gens. Je me souviens de cela. J'en ai bavé pour arriver jusqu'ici! Ah, si elle savait ça... cette garce!

- Je suis pathétique, vraiment? Mais toi, qu'est-ce qu'on t'apprends?! Je pense avoir la réponse... je laissai un temps de silence avant de sourire. En réalité... le plus pathétique de nous deux... c'est toi! Toi parce que tu n'as rien d'autre à faire que de martyriser moralement des gens!

Je levai la tête violemment. Je plongeai mes yeux devenus rouges sang dans les siens. Mon visage exprime une colère intense. Je sais que tu n'aimes pas ça, mais je ne dois pas me laisser marcher sur les pieds, Johanna! Comprends-le!

Je vis le garçon se débattre avec son envie de se mettre en colère jusqu'à ce que je lui déclare qu'il était pathétique. Là, je vis son visage devenir cramoisi et ses petits poings se serrer à s'en blanchir les phalanges. Dans le mille. Je pouvais sentir sa haine envahir l'air autour de nous, ça allait enfin devenir intéressant, depuis le temps que j'attendais ça.

- Je suis pathétique, vraiment ? Mais toi, qu'est-ce qu'on t'apprends ?! Je pense avoir la réponse...

Il sourit et attendit quelques secondes avant de continuer sa tirade, vu qu'il avait la réponse, ce n'était pas la peine de le couper :

- En réalité... le plus pathétique de nous deux... c'est toi! Toi parce que tu n'as rien d'autre à faire que de martyriser moralement des gens!

En effet, c'était un de mes passe-temps favoris. Voir les frimousses découragées, tristes, désolées ou encore, haineuses, rageuses, ça me... distrayait. Je savais pertinemment bien que c'était malsain et mauvais, et alors ? Les autres voyaient en ça un problème, moi pas. Ils rejetaient cette attitude parce qu'elle était politiquement incorrecte, comme des petits moutons. C'était tellement ridicule que ça ne méritait même pas qu'on les prenne en pitié.

Le garçon commit soudain la pire des choses qu'il avait à faire, il planta ses yeux, qui s'étaient foncés à cause de la colère, dans les miens. Grossière erreur, il jouait avec sa vie, là. Je sentis mon pouvoir se manifester en moi mais hors de question de baisser les yeux maintenant alors que je commençais juste à m'amuser ! D'autre part, pour le moment, j'étais en parfaite mesure de me contrôler et de ne pas le tuer - ça aurait quand même fait tâche sur mon dossier scolaire, soit dit en passant. Je me décidai enfin à lui répondre, calmement.

- Tu as raison, je n'ai que cela à faire. Quant à savoir si c'est pathétique ou non, tout n'est qu'une question de point de vue... Visiblement, toi, tu fais partie de la masse qui suit les autres sans réfléchir, et qui, par conséquent, trouve mon comportement, comment dire... inadmissible ?

Je laissai ma phrase en suspens, n'ayant pas envie de chercher un adjectif plus adapté. J'avais eu mon tour de parole, maintenant, c'était son tour, il me tardait de voir sa réaction.
Je me demandai brièvement quel pouvait bien être son pouvoir. Venant de ce garçon, quelque chose d'agressif et de mauvais m'aurait étonné de sa part. Cependant, j'avais appris à mes dépens à ne jamais me fier aux apparences, et, s'il cherchait tant à se maîtriser, c'était qu'il avait probablement peur de perdre le contrôle. Décidément, cette conversation s'avérait être des plus divertissantes.

Cette fille est vraiment... comment dire? Elle est vraiment mauvaise, c'est même plus fort que cela. Je ne trouve aucun adjectif pouvant la qualifier. Elle m'énerve. Elle me rappelle toutes ces personnes qui me saoulaient. Elle a exactement le même caractère qu'eux! Et si elle se croit original parce qu'elle est méchante, elle a tort! Ce n'est pas original d'être méchant! Elle est bête, on sait tous que c'est à la mode d'être méchant avec les plus faibles. Elle m’écœure, elle me donne envie de gerber.

- Tu as raison, je n'ai que cela à faire. Quant à savoir si c'est pathétique ou non, tout n'est qu'une question de point de vue... Visiblement, toi, tu fais partie de la masse qui suit les autres sans réfléchir, et qui, par conséquent, trouve mon comportement, comment dire... inadmissible ?

Ah ouais, j'ai raison, hein? Elle croit me provoquer avec ses phrases balancées comme ça? Je dois me retenir, non je dois arrêter cette impulsivité... elle ne veut que ça! Si je l'attaque, j'aurais perdu. Et surtout... je ne veux pas tuer quelqu'un à nouveau. Que ce soit une fille, un garçon. Un gentil, un méchant. Un blond, un brun. Je ne veux plus jamais revivre cela, alors il faut que je me contrôle. Tout à coup je ris méchamment, un peu comme un fou.

- Je trouve que tu sais pas mal de choses sur moi, sans même me connaître! Et toi alors, tu fais partie de la masse qui ne cesse d'être stupide rien qu'en ouvrant sa bouche! Tes propos sont dignes d'une gamine pourrie-gâtée qui n'a rien à faire de sa vie.

Je souris. Je me sens bizarre, comme si j'étais fou. Je me sens courageux et... méchant. Je ne veux plus être le faible qui rougit sous chaque pression! Le gamin qui rentre chez lui plein de bleus et de blessure et qui ferme sa gueule! Plus jamais, jamais je ne subirais cela. J'en ai trop souffert, au moins dans la rue, j'étais seul, seul et sans personne pour me faire chier.

Il avait du mal à se contrôler, ça se voyait, et je l'exacerbais aussi, et probablement pas qu'un peu. Il essayait de garder le contrôle, comme s'il ne souhaitait pas qu'il y ait de débordement cependant je me doutais bien qu'encore une bonne phrase bien placée pourrait le sortir de ses gonds. Le garçon éclata d'un rire mauvais, qui aurait effrayé toute personne saine de corps et d'esprit.

- Je trouve que tu sais pas mal de choses sur moi, sans même me connaître! Et toi alors, tu fais partie de la masse qui ne cesse d'être stupide rien qu'en ouvrant sa bouche! Tes propos sont dignes d'une gamine pourrie-gâtée qui n'a rien à faire de sa vie.

Généralement, quand on m'attaquait de la sorte, je préférais ne répondre qu'à une seule de ces piques et laisser à mon adversaire tout le loisir de s'imaginer quelle aurait été ma réponse pour les autres, je ne fis pas abstraction à la règle cette fois-ci. Il fallait bien avouer que sa deuxième phrase était bien envoyée, je n'aurais rien eu à redire s'il me l'avait balancée séparément et j'aurais bien pu lui tirer mon chapeau. La dernière était tout ce qu'il y avait de plus vrai, j'avais été pourrie-gâtée, et je n'avais strictement rien à faire de ma vie à part attendre d'être assez grande pour pouvoir reprendre l'empire de mes parents, et, bien que je détestât la famille Slythereen, cela ne me posait aucun problème, je n'en avais pas honte. Mon choix se porta donc tout naturellement sur la première phrase qu'avait prononcée ce garçon qui, par ailleurs, semblait de plus en plus en colère. Il souriait, pas d'un sourire cruel comme celui qui avait étiré mes lèvres quelques minutes auparavant, non, c'était plutôt un sourire qui s'accordait parfaitement avec son rire : malsain.

- Je n'ai pas eu la prétention de dire que je te connaissais, je t'ai simplement exposé ce que j'ai déduit face à tes réactions à mon égard, déclarai-je avec un sourire que j'espérais agaçant au dernier des points.

Y avait-il besoin de préciser que, de nous deux, il était le seul à perdre son sang-froid ? Sûrement pas, mon expression devait déjà assez trahir mes pensées comme ça.

On pouvait lire la souffrance et la haine du garçon dans ses yeux. C'était tout ce dont j'avais besoin pour le moment, bien plus que de me reposer, les jambes dans le vide et les cheveux au vent, sur cette grande terrasse, j'avais besoin de faire souffrir. Lire le ressentiment et l'envie de vengeance dans les yeux d'une personne qui n'avait rien demandé, ça me faisait du bien.

Mes yeux émeraudes le fixaient toujours et je devais, même si je ne l'aurais avoué pour rien au monde, faire quelques efforts pour ne pas laisser mon don se manifester. En effet, si mon regard restait planté trop longtemps dans le sien, l'hypnose meurtrière commencerait, que je le veuille ou non. C'était assez dérangeant comme sensation, je détestais les situations incontrôlables. C'est alors que je me rendis compte des débouchés possibles de cette « discussion », soit il sortait de ses gonds, soit, moi, je perdais la maîtrise - et dans ces deux cas, seul Dieu savait ce qu'il adviendrait -, soit nous nous calmions et tout risque serait alors écarté. Je décidai de ne pas m'en faire, la vie serait tellement fade et ennuyeuse s'il n'y avait aucun danger !

Encore ce sourire si mauvais. Des fois, je me dis que des trucs venant des mangas comme la Fille des Enfers devraient peut-être exister. Je ne suis pas mieux qu'elle, à penser à la vengeance. Pourtant... je me dis que des personnes comme elle, méritent d'aller dans les profondeurs des Enfers, meurtris par milles souffrances. À combien de personne a-t-elle fait autant mal, hein? Je vous le demande! Combien de personnes qu'elle a rencontrées sont en ce moment-même meurtries par le chagrin en ce moment même? Si je pouvais recréer l'être humain, je lui aurais enlevé la méchanceté dans sa programmation. Bien sur, personne ne me comprend. Pour le monde entier, je ne suis qu'un geek intello.

- Je n'ai pas eu la prétention de dire que je te connaissais, je t'ai simplement exposé ce que j'ai déduit face à tes réactions à mon égard.

Mais... une chose est sure, je ne ferais pas parti des personnes qu'elle a tué psychologiquement! Je ne resterais pas cloîtré dans ma chambre parce que ses mots m'ont fait mal! Je compte bien lui répondre jusqu'à la fin! En votre honneur rejetés de la société! Et puis elle ne comprend pas ce que je lui dit! Elle ne comprend rien, cette débile! Ne vous inquiétez pas... bientôt, je lui ferais endurer la souffrance qu'elle vous a infligé. Comptez sur moi.

- Tu vas te la fermer, maintenant?! Pourquoi continues-tu à t'acharner?! Dégage, ça nous fera des vacances à tous!

Même si ces mots ont été ce qu'il y a de plus méchant, je ne regrette pas. Il fallait que quelqu'un lui dise, merde! Je sais que tu m'en veux Johanna, je sais que tu as été choquée par mes mots, mais je n'y peux rien. Mets-toi à ma place. Mets-toi à la place de tous ces gens. Alors, ne ressens-tu pas quelque chose de désagréable? D'oppressant? De cruel? De triste? Bah, tu vois, j'avais raison.

- Tu vas te la fermer, maintenant ?! Pourquoi continues-tu à t'acharner ?! Dégage, ça nous fera des vacances à tous !

Sa réaction virulente et agressive me conforta dans l'idée que ce serait plutôt lui qui craquerait en premier. Cependant, je me reculai et m'appuyai contre la rambarde, mes yeux étaient ainsi à une certaine distance de ceux de l'enragé. Simple mesure de précaution. Par contre, mon sourire ne quitta pas mes lèvres.

- Je n'ai pas eu l'impression que tu ne souhaitais plus me parler, jusque là, on aurait plutôt dit que tu te défoulais sur moi. Et je ne vois pas pourquoi je me tairais, je m'amuse.

Le silence s'installa entre nous et je me demandai s'il allait vraiment m'attaquer ou non. En tous cas, il avait vraiment l'air en pétards. Et dire que je ne connaissais même pas son nom et qu'il me détestait probablement déjà, c'était un record ! Son regard était assassin, ses yeux m'envoyaient des éclairs.
Je devins soudain lasse de ce petit jeu de provocations, il fallait y mettre un terme.
Mon expression se fit dure, méprisante, hautaine... supérieure. C'était l'air qu'arboraient en permanence mes parents et les autres membres de ma famille. Puis, une lueur de défi apparut dans mes yeux. Je l'attendais, qu'il vienne.

Encore ce sourire. Cette fille est vraiment malsaine. Je pourrais même dire qu'elle est démoniaque. Je me rappelle avoir toujours été soumis, mais maintenant c'est finit. Je ne me laisserais plus taper dessus comme autrefois! Surtout devant les personnes qui me sont chers... oui, parce qu'elle en a pleuré de ma maltraitance à l'école...

- Je n'ai pas eu l'impression que tu ne souhaitais plus me parler, jusque là, on aurait plutôt dit que tu te défoulais sur moi. Et je ne vois pas pourquoi je me tairais, je m'amuse.

Elle s'amuse, hein? Comme vous, vous, les personnes qui se moquaient se moi, qui me frappaient, qui embêtaient Johanna pour me faire souffrir. Vous, vous que je hais tant. Elle eut un air de mépris dans ses yeux. Elle vous ressemble trop! Je la hais! Je baissai la tête, des larmes coulèrent de mes yeux. Je serrais les poings. Je sais très bien que si je la frappe elle serait satisfaite, elle n'attend que ça... mais... autrefois, j'ai toujours été cogner, alors pourquoi ce ne serait pas à mon tour? Je veux faire du mal aux méchants, pour une fois!

Mes yeux deviennent multicolores avant de prendre une teinte rouge sang. Je levai la tête. Je déteste mes yeux. On dirait que sang coule dans mes iris. C'est vraiment horrible. Je suis impulsif et je le sais et pourtant... je me suis laissé allé. Sans m'approcher d'elle, je commençais à lui contrôler le bras et à forcer. Je n'avais pas l'intention de lui faire mal... juste de lui faire peur... Mais, je forçai un peu plus et un peu plus. Ses os étaient sur le point de se casser.

Il me fixa méchamment et ses iris changèrent une nouvelle fois de couleur pour ensuite reprendre la couleur du sang. La rage, voilà ce qu'on y lisait. Et moi, j'exultais, j'avais gagné, je le savais, il allait me taper dessus - ou du moins essayer -, perdre son sang-froid si ce n'était déjà fait. Il s'avança vers moi et je m'apprêtai mentalement à esquiver une coup de poing ou quelque autre geste violent. Il ne se passa rien de tout ça.

Je ne vis rien venir et une douleur fulgurante traversa mon bras, l'écrasant de l'intérieur. C'était comme le passer au broyeur. Le phénomène s'intensifia encore et encore et je dus serrer les dents pour ne pas crier. C'était donc ça son pouvoir ? Ecraser les gens de l'intérieur... C'était vicieux, mauvais, ça ne pouvait que faire le mal. Logique qu'il veuille se contrôler s'il était gentil. La souffrance alla crescendo et je vis le moment où cela deviendrait insupportable, il ne fallait surtout pas que ce moment arrive, je devais me taire coûte que coûte, subir en silence. Question d'honneur. Pourtant, mes os semblaient sur le point de se rompre. Je réussis tant bien que mal à articuler quelques mots.

- Est-ce là tout ce que tu sais faire ? Tu n'en vaux même pas la peine.

Mon sourire devint effrayant, il ressemblait plus à un rictus sadique qu'à autre chose. Mes yeux émeraudes se plantèrent dans ceux du garçon, mon pouvoir se manifesta, presque de lui-même. Mon esprit fila comme une flèche vers le sien et s'y planta. Maintenant, cela devait être douloureux pour lui aussi. L'étau qui enserrait mon bras se relâcha.

Je veux qu'elle souffre, je veux qu'elle souffre comme elle n'a jamais souffert. Je fronçai les sourcils. Mes pensées sont vraiment horribles, je ne me reconnais pas. Est-ce vraiment moi qui suis en train de lui briser le bras? Je... je suis comme elle en fin de compte... Un monstre qui fait du mal au gens, je m'en veux. Mais, je ne peux pas m'arrêter là! Non, je ne peux pas abandonner maintenant.

- Est-ce là tout ce que tu sais faire ? Tu n'en vaux même pas la peine.


Non, je ne sais pas faire que ça, mais elle risque d'avoir très mal si je m'attaque à ses point vitaux. Les points vitaux humains sont tellement simples à atteindre. Un petit coup dans le coup et on s'agenouille à vous. Ce qu'ils ne savent pas... c'est que je peux m'attaquer à des points vitaux plus important... à l'intérieur du corps. Elle eut un sourire malsain. Je... je la hais. Tout à coup, je sentis une énorme douleur, un bourdonnement horrible dans ma tête. Je regardai ses yeux émeraude et les miens redevinrent rouge pâle. J'avais l'air un petit enfant triste, d'un chien battu. Je ne pouvais plus lui tenir le bras.

- Salope! criai-je sous la colère.

Quand j'étais énervé, je pouvais devenir grossier ou plutôt, je devenais grossier. Je devenais dangereux parfois aussi. Je suis impulsif et ce n'est pas une qualité... Je me laissai tomber à genoux sur le sol. Ça fait un mal de chien. Je commençai à pleurer. Quel faible je fais... je ne changerais jamais... un faible et timide garçon. Je levai la tête et dans un air mêlé de haine et de tristesse j'hurlai :

- Je te déteste!

Je pris appui sur mes mains et commençai à me lever avec difficultés. Quelques secondes plus tard, j'étais debout luttant contre la douleur que m'infligeait la fille. Je lui lançai un regard et me yeux passèrent toutes les couleurs de l'arc-en-ciel pour enfin devenir rouge sang. C'est ce qu'il se passe quand j'utilise mes pouvoirs. Je ne bougeai pas d'un poil et mon adversaire fut propulsée contre un mur bleu. Comme si elle s'était prise un gros coup de poing. Mais, je ne voulais pas en finir là. Je m'approchai d'elle et me mis à sa hauteur avant de la gifler avec haine. Son corps était collé au mur, comme si une force l'y retenait. Je me relevai et essuyai de mon bras les quelques larmes qui avaient coulé.

- Salope !

Il tomba à terre et commença à pleurer tandis que moi, je reprenais toute ma prestance et le fixais de cet air supérieur et si énervant. La souffrance, voilà ce qui se dégageait de lui. C'était ce que je cherchais à voir depuis le début, un pauvre être qui n'avait rien demandé et qui ressentait de la douleur. Y avait-il quelque chose de plus divertissant ? En plus, cerise sur le gâteau, la colère venait s'y mêler, ça rendait la chose d'autant plus exaltante. Il me hurla, des larmes dans la voix et roulant le long de ses joues :

- Je te déteste !

Encore heureux. Le contraire eut même été très inquiétant. Il se releva péniblement, prenant appui sur ses bras pris de légers tressaillements. Il avait toujours, bien que je ne le fixât plus dans les yeux, l'information était intéressante, à retenir. Ses yeux, dont la teinte s'était éclaircie, repassèrent une nouvelle fois par toutes les nuances de l'arc-en-ciel avant de virer au rubis sombre. Jaimais beaucoup cette couleur sanguine, et ce garçon ne méritait pas de la porter, il n'était pas assez mauvais à mon goût.

Soudain, je fus brusquement propulsée contre un des murs aux alentours. Je ne sentis rien sur le moment-même, c'était loin d'être réjouissant. Le choc allait se faire ressentir deux fois plus fort dans ma colonne vertébrale... Et en effet, la douleur fut intense, fulgurante, presque insoutenable. Mais mon ennemi n'en avait pas encore fini avec moi, il s'approchait, menaçant. Une main invisible me maintenait en position, plaquée contre la façade de l'école, je ne pouvais rien faire à part attendre. Ce ne fut pas long. Dès qu'il arriva en face de moi, il s'essuya rageusement les yeux et m'envoya une gifle magistrale sur le visage.

Cette dernière eut deux effets sur ma petite personne, le premier positif, et le deuxième qu'il aurait tôt fait de regretter. D'abord, elle me poussa à révoir mon opinion à son encontre, il n'était finalement gentil qu'en apparence. Une bête sombre était tapie au fond de sa poitrine, et elle n'attendait qu'un appel pour en sortir. Ouf, les élèves de cette académie n'étaient pas tous bienveillants, ça faisait du bien de s'en rendre compte. Mais, malheureusement pour lui, alors qu'il aurait bien pu m'être sympathique, sa claque violente avait cogné le serpent d'argent contre les briques, et l'avait éraflé. Il ne pouvait pas le savoir mais le moindre éclat fait à cet anneau me faisait souffrir, de l'intérieur, dans ma tête plus précisément, c'était une précaution qu'on avait affectueusement prise pour s'assurer que je n'essaye pas de l'enlever.

Mes yeux devinrent lumineux, fluorescents. Qu'on me frappe, ça ne me faisait rien, mais qu'on touche à mon mental, c'était inacceptable. J'ancrai mon regard dans le sien, et utilisai mon don, cette fois-ci, m'insinuant à la manière d'un serpent dans son esprit. Je ne cherchais plus à le tuer ou bien à lui faire mal, cette fois-ci, je cherchais autre chose, la source de son pouvoir. Je ne pourrais jamais exprimer avec des mots comment je fis pour qu'il me relâche. Comment expliquer ce qui résultait de l'immatériel avec des mots définissants des choses tangibles ? Bref, ce que je fis pourrait s'apparenter à y "donner un grand coup" et à le paralyser pour un moment.

La première - et la plus - étonnée de ce que je fis, ce fut moi. Je ne perdis cependant pas de temps à trop réfléchir à ce qui s'était passé et sautai au cou de mon adversaire, toutes griffes dehors, mon rictus déformant toujours ma bouche. Je m'apprêtais à lui lacérer le bras pour la seconde fois consécutive avec une furie que je ne me connaissais pas quand le grincement de la grille me ramena à la réalité. Un surveillant ! Il nous regarda, le garçon et moi, nous étions en piteux état. Cinq grandes estiflades couraient le long de son bras droit, son pantalon était couvert de poussière au niveau des genoux et ce n'était pas mieux pour ses mains. Quant à moi, ma joue gauche était rouge, tout égratinée, mes vêtements sales, mes cheveux légèrement électrisés. En plus, j'étais quitte pour un beau bleu dans le dos, même si on ne pouvait pas le voir. La surprise passée, le pion nous cria :

- Mais qu'est-ce que vous faites ?! Arrêtez ça immédiatement ! Un tel comportement dans l'enceinte de l'établissement est inadmissible ! Il est clairement stipulé dans le Règlement d'Ordre Intérieur que les bagarres sont in-ter-di-tes !

Et en plus, il fallait que je tombe sur celui à la langue bien pendue, c'était bien ma veine...

Je... me hais autant que cette fille. J'ai honte... je viens de lui prouver que je ne vaux pas mieux qu'elle. J'ai envie de pleurer, de pleurer pendant des heures. Cette haine... depuis des années, je n'avais réagi à aucuns faits de mes camarades. Ils s'étaient moqué, ils m'avaient frappé, ils me suivaient. Et pourtant, je ne m'étais pas défendu. J'avais tout accumulé et tout caché au plus profond de mon être. Mais, aujourd'hui, toute cette haine s'est libérée et a envahi mon corps comme un démon. Je me suis emporté et ma réputation dans cette école risque de ne pas être bonne.

Elle me regarda. Ses yeux étaient fluorescents, les miens rouge sang. Puis, j'eus encore mal à la tête. J'essaie de résister, mais cela m'est encore plus douloureux. Je me laisse faire... après tout... j'ai toujours été comme ça... alors... pourquoi changer aujourd'hui? Je lui fit un sourire. Un sourire gai et je tombai d'un seul coup au sol. Je ne veux plus lutter, je ne peux plus lutter. Elle me sauta dessus et me griffa. Je gémissais, mais je ne lui dis pas de s'arrêter. J'ai tellement mal, mon bras me brûle. Pourtant, j'arrive à éliminer cette douleur. Quand nous sommes allés à l'école, Johanna, une garçon m'a brûle le ventre et je ne t'ai jamais rien dit. Ce jour-là, j'ai enfin connu la vraie définition de s'évanouir de douleur. Alors, ses griffures, ça ne me fait rien. J'ai encore la cicatrice, je suis marqué à vie. Marqué comme faible.

- Mais qu'est-ce que vous faites ?! Arrêtez ça immédiatement ! Un tel comportement dans l'enceinte de l'établissement est inadmissible ! Il est clairement stipulé dans le Règlement d'Ordre Intérieur que les bagarres sont in-ter-di-tes !

Un surveillant... je me rappelle en avoir blessé un quand j'étais en présence de Katsushiha. C'était pour fuir. Nous ne pouvions faire que cela. Je savais que si je laissais apparaître la bête qui était en moi, je ne ferais plus parti de cet établissement et pourtant. À quoi bon, ma petite existence est si minable. Je restais sur le sol, sans bouger, la fille malsaine au dessus de moi. Je dirigeai ma tête en arrière pour regarder le surveillant. Je souriais bizarrement et mes yeux étaient toujours rouge sang. Il recula d'un pas et me fixa dans les yeux. Une goutte de sueur coula le long de son visage. Et oui, j'étais si horrible que cela. Et tout à coup, j'eus une envie. Je clignai des yeux et me concentrai sur l'homme. Un couteau suisse vola de ma poche et s'ouvrit. Puis avec vitesse et force, il se planta dans la jambe du pauvre homme qui tomba à terre.

- En réalité... je ne vaux pas mieux que toi... dis-je en plantant mes yeux dans ceux de la fille avec un petit sourire.

Je levai les yeux au plafond. Que va-t-elle faire maintenant? Elle va surement m'attaquer, mais vais-je me défendre? Je ne sais pas... je me défendrai seulement quand je serais au bord de la mort.

Il se passa quelque chose d'inouï, un couteau suisse s'envola de la poche du garçon et, alors que je pensais qu'il m'était destiné, il alla directement s'enfoncer dans la jambe du surveillant. Le sang roula le long de sa jambe, m'hypnotisant presque - le comble pour une hypnotiseuse.

- En réalité... je ne vaux pas mieux que toi..., me dit-il avec un sourire timide.

C'était... lui qui avait fait ça ? Bizarre venant de la part du garçon qui semblait attendre passivement que les coups pleuvent sur lui. Et, chose encore plus étrange, je n'avais plus envie de lui faire mal, pour la simple et bonne raison que son acte m'intriguait. Qu'il s'en prenne à moi, je pouvais bien le comprendre, je l'avais provoqué volontairement et en toute connaissance de cause mais le pion... n'avait strictement rien fait. J'allais devoir lui demander une explication mais il fallait auparavant s'occuper du pauvre mec qui se contorsionnait de douleur à terre. Lui, c'est sûr, il n'a jamais vraiment souffert... De loin, je ne pouvais pas faire grand chose, juste le faire sombrer dans l'inconscience. Le tuer ne servirait à rien, de toute manière. Je me concentrai, trouvai son regard et nous le vîmes s'étaler de tout son long au sol. Je me relevai alors et, époussetant mes vêtements, répondit au garçon aux cheveux blancs :

- C'est normal, personne ne vaut mieux que moi.

Règle d'or des Slythereen : ne jamais s'abaisser au niveau des autres et leur rappeler à chaque instant que nous sommes supérieurs. J'aimais ce précepte propre à ma famille, c'était tellement mieux d'être orgueilleux et imbu de sa personne que d'être humble et modeste. Serviable étant aussi un mot à connotation péjorative dans mon vocabulaire, je ne lui tendis pas ma main pour qu'il se relève cependant, je consentis à lui parler. Après tout, il venait quand même de faire couler le sang d'un innocent sans raison apparente.

- Tu aurais dû commencer par ça, on se serait tout de suite entendus., dis-je, fixant le corps inanimé du surveillant.

Pourquoi les gens cherchaient-ils constamment à refouler leur part de noirceur ? Cela devenait pénible...

Je fermai les yeux. J'attends ses coups, après tous, ce n'est pas une rebelle? Elle ne devrait pas me taper à mort? Je la sentis se lever. Alors... elle ne m'a pas frappé, hein? Je ne la comprendrais donc jamais cette fille... Est-ce que toutes les filles sont aussi compliquées qu'elle? J'imagine qu'elle ne doivent pas toutes êtres aussi violentes... Sous mon étonnement, elle s'approcha du surveillant qui gémissait à terre. Elle le rendit inconscient. C'est qu'elle n'est pas si méchante que ça...

- C'est normal, personne ne vaut mieux que moi.

Je souris. Après tout, je m'y attendais. La réaction typique. Je ne me levai pas, je reste par terre à regarder le plafond, un sourire amusé au coin de la bouche. Finalement je lançai un regard à la jeune fille aux cheveux de jais et me levai. À mon tour de m'occuper de lui. Il ne faut pas que l'on soit au courant de ce geste que j'ai eu. Ce que je vais faire est mal, je m'en excuse en avance, mais rouquine. J'allai vers le surveillant, lui tournant le dos.

- Tu aurais dû commencer par ça, on se serait tout de suite entendus.

Mon visage changea d'expression. Elle croit vraiment que je veux m'entendre avec elle? La bonne blague! Je n'ai jamais dit que je voulais me lier d'amitié avec elle! Elle a une de ces imaginations! J'en ris intérieurement. Je ne lui répondis pas et je regardai droit dans les yeux du surveillant - qui étaient fermés.

- Oublie-moi, ton agresseur était vêtu de noir et portait une cagoule, chuchotais-je pour pas qu'elle ne m'entende.

Voilà une des mes autres particularités. Je n'aime pas trop faire cela et à vrai dire,ça fait la deuxième fois que je l'utilise, mais je n'avais pas le choix. Je ne veux pas renoncer à ma réputation de gentil et doux garçon, d'intelligent et serviable adolescent, de maladroit et en retard gars. Non, ils ne doivent pas savoir ce qui se cache en moi, jamais.

- Je n'ai jamais eu l'intention de m'entendre avec toi, dis-je avec froideur.

Mon regard était froid, mais la haine avait disparu de mon visage. J'ai l'air de tout de qu'il y a de plus calme. Parce que quand le surveillant se réveillera, je veux qu'il voie que je suis un gentil et calme garçon, pas du tout impulsif.

Ma phrase resta quelques secondes en suspens, le temps pour le garçon de s'avancer vers le surveillant et de lui murmurer quelques mots que je ne pus distinguer. Tant pis, le sort de ce pion ne m'intéressait pas le moins du monde, de toute manière. Mais une chose m'empêchait de partir sur-le-champ de cet endroit autrement inintéressant : ma curiosité.

- Je n'ai jamais eu l'intention de m'entendre avec toi, me lâcha-t-il, son hostilité envers moi nettement perceptible dans sa voix.

Qu'il y ait eu besoin que cette phrase soit prononcée m'étonna au plus haut point. Les choses étaient pourtant claires, non ? Ne m'étais-je pas montrée assez agressive ? Ou bien... Je retins un pouffement moqueur quand je me rendis compte de ce qu'il se passait. Il avait mal interprété le sens de ma phrase ! Il avait cru que...
Il ne se rendait pas compte de l'absurdité de sa pensée. Une noble telle que moi ne se liait pas avec quelqu'un du peuple, c'était élémentaire. Puis, je ne voulais pas d'amis, juste être détestée, haïe. Tout au plus, s'il m'avait montré dès le départ qu'il était mauvais, je ne me serais pas acharnée sur lui, les requins ne se dévorent pas entre eux. J'éclatai donc naturellement d'un rire aigre avant de lui répondre, tout aussi dure et froide.

- Encore heureux, ma réputation serait en jeu sinon... Non, ce que je veux savoir, c'est pourquoi un si gentil garçon a sciemment blessé un malheureux pion passant par là.

Je n'aurais su dire si mon regard était toujours lumineux ou non mais il restait effrayant de par sa malfaisance quoi qu'il arrive, alors je le relevai pour bien le fixer droit dans les yeux. Il était redevenu légèrement craintif, comme au tout début, lorsque je m'amusais à le titiller. La rage et la méchanceté l'avaient quitté, il faudrait à nouveau le provoquer si je voulais obtenir quelque chose de concluant. Neanmoins ce petit jeu commençait à me lasser, j'avais hâte de pouvoir assouvir ma curiosité pour ensuite m'en aller me plonger dans un livre de magie noire.

Elle rigole encore une fois. C'est ça, elle n'a cas me rigoler au nez, parce que moi aussi je me moque bien d'elle... intérieurement. Comment dire? Je la trouve si stupide! Il y a de quoi rire, non? Mademoiselle j'adore être détestée. C'est complètement débile une mentalité pareille! Je ne montrais pas mon amusement à être face à une fille aussi minable.

- Encore heureux, ma réputation serait en jeu sinon... Non, ce que je veux savoir, c'est pourquoi un si gentil garçon a sciemment blessé un malheureux pion passant par là.

Ah parce qu'elle est curieuse en plus? Pourquoi devrais-je répondre à ses questions? Elle croit quoi? Que même si je la hais on va se la couler douce et se poser des questions? Pourquoi pas jouer aux cartes pendant qu'elle y est! Elle est vraiment drôle celle-là!

- Malheureux, dis-tu? je me coupai et baissai la tête. Je commençai à rire. Je crois, que tu es assez mal placée pour dire ça! Je l'ai fait... égoïstement. Je n'ai pensé qu'à ma peau. Je m'en foutais pas mal de ton sort! C'était juste en mon intérêt. J'ai fait ça pour pouvoir modifier ses souvenirs et pour qu'il ne se souvienne jamais, jamais que j'étais en train de me battre, ici-même... par contre, je crois que j'ai oublié de t'enlever de sa mémoire... Oh, et puis, ce n'est pas mon problème!

Ah que c'est drôle finalement... Je pourrais très bien lui raconter que j'ai inscris dans sa mémoire que c'est elle qui l'a attaqué. Pourquoi pas, juste pour la faire tourner en bourrique, comme elle l'a fait avec moi au tout début. Après tout, elle l'a bien cherché! J'ai un gros sentiment de vengeance, c'est vraiment mauvais d'être en soif de vengeance, pardonne-moi, mais j'ai si mal.

Sa réaction fut vive et tout sauf amicale, prévisible et assez drôle somme toute.

- Malheureux, dis-tu ? Il baissa la tête et se mit à rire. Je crois, que tu es assez mal placée pour dire ça ! Je l'ai fait... égoïstement. Je n'ai pensé qu'à ma peau. Je m'en foutais pas mal de ton sort ! C'était juste en mon intérêt. J'ai fait ça pour pouvoir modifier ses souvenirs et pour qu'il ne se souvienne jamais, jamais que j'étais en train de me battre, ici-même... par contre, je crois que j'ai oublié de t'enlever de sa mémoire... Oh, et puis, ce n'est pas mon problème !

Je le laissai s'emballer dans son discours, m'appuyant nonchalamment contre le muret en pierre. Ben oui, il l'a fait dans son propre intérêt, c'est logique comme attitude. Mais pourquoi m'ennuyait-il en me disant ça ? Peut-être pour m'intimider en me disant qu'on se souviendrait de moi. Je ne voyais pas en ça un problème, dans le pire des cas, acheter son silence ou le faire disparaître ne serait pas bien compliqué. Je frissonai à cette pensée, paradoxalement, j'étais mauvaise mais je détestais avoir à tuer des gens. Cependant, je ne pensais pas devoir en arriver à cette déplaisante extrémité, j'avais décelé le mensonge dans son regard, il ne m'aimait pas, c'était évident.

- Je ne me rappelle pas avoir sollicité ton aide et, quand bien même il se souviendrait de moi, cela ne me dérangeait pas outre mesure.

Je m'ennuyait, il m'ennuyait, la passe d'amusement était passée. Cette discussion était fade et morne.

- Nous n'avons apparamment plus rien à nous dire, je m'en vais.

Ce n'était pas une question. Je tournai les talons, frôlant le balais qui était à terre depuis quelques bonnes minutes déjà.

Je pris l'air que j'avais au début. J'ai l'air d'un élève doux, gentil et attentionné. Que cette discussion cesse, je vous en prie! J'enlevai rapidement la poussière qui s'était accumulée sur mes vêtements avant de lui lancer un regard.

- Je ne me rappelle pas avoir sollicité ton aide et, quand bien m'aime il se souviendrait de moi, cela ne me dérangeait pas outre mesure.

Tant mieux! Qu'elle se débrouille seule! Je pourrais même très bien l'ajouter à la mémoire de ce "malheureux" surveillant.

- Nous n'avons apparamment plus rien à nous dire, je m'en vais.

Je n'attendais que ça! Après tout, c'est à elle de partir, elle est venue m'emmerder alors que j'étais tranquillement en train de passer le balai. Je la regardai partir avant de saisir et de refaire le tas de poussière qu'elle a éparpillé.

- C'est ça, casse-toi pauvre conne! dis-je avec haine.

Cela peut paraître choquant, mais je suis bien le style de gars à dire des gros mots quand il s'enflamme et oui. Je fis comme s'il s'était rien passé, mon visage doux de bon élève croisa le corps inconscient du surveillant à terre, comme si je venais d'arriver. Je lâchai brusquement le balai avant d'accourir au soin du surveillant.

- Vous allez bien?

Je passai ma main sur sa jambe et l'ouverture se ferma. Je fis un sourire à l'homme qui semblait étonné. Après tout, c'est comme ça que la société veut que je sois. Pour réussir, je dois être un bon garçon.

- C'est ça, casse-toi pauvre conne!

J'eus un petit sourire en coin en entendant sa phrase. Courageux mais pas téméraire, il m'insultait quand il était sûr que j'avais le dos tourné, prête à disparaître. J'ouvris la grille et elle émit ce grincement caractéristique que de nombreux élèves avaient déjà dû entendre. Juste avant de la refermer derrière moi, je le vis reprendre son balais, probablement pour pouvoir donner le change au réveil du surveillant. Jouer un rôle, ne pas assumer pleinement sa personnalité... J'avais raison tout à l'heure, il est pathétique. Moi, j'étais peut-être mauvaise, méchante, malsaine, sadique et tant d'autres choses encore mais je ne m'en cachais pas, les gens savent directement à qui ils ont affaire. Un jour ou l'autre, ça lui retombera dessus. Enfin, ce n'était pas mon problème, à la limite, le menacer de révéler sa véritable personnalité aux autres pourrait être intéressant. Après tout, je ne lui avais rien promis...

Mais pour l'heure, je préférais aller consulter tranquillement mes ouvrages démoniaques dans la petite bibliothèque, j'y trouverais le calme que ma visite de l'auvent n'avait pas pu m'apporter. Et puis, à s'acharner tout le temps sur la même victime, on finit par s'ennuyer, il valait mieux m'occuper à autre chose pour revenir plus tard en force...