Posez-lui la question à Pride « Est-ce que le physique compte pour toi ? » et elle vous répondrait probablement qu'elle ne juge pas sur ces critères-là, alors non. C'est le genre de personne qui ne tient pas compte des apparences et qui ne sait pas juger si une personne est belle ou laide. Tout ce qui l'intéresse ce sont les livres, et éventuellement les personnes qui partagent ses passions. Elle ne porte également aucune importance à sa propre apparence préférant de loin rester discrète pour que personne ne vienne gêner son travail et sa lecture.
En effet, quand elle est plongée dans un des bouquins appartenant à l'académie, vous aurez peu de chances de la remarquer. Avec sa tignasse indomptable noir charbon toujours en bataille comme si c'était la deuxième guerre mondiale sur le haut de sa tête, sa peau pâle avec de curieux petits reflets argentés qui donnent l'impression qu'elle est d'une pâleur cadavérique, ses grandes lunettes en bois cachant ses yeux et la majorité de son visage et ses vêtements toujours dans les tons marrons, il est facile de passer à côté de la jeune fille parmi le décors de la bibliothèque qui est ironiquement parfaitement assorti.
Peu de gens cherchent à voir plus loin que la fille qui surveille la bibliothèque, la mordue de lecture qui fait des grimaces bizarres quand elle lit un livre et qui se recroqueville toujours dans des positions pas très féminines sur la chaise qu'elle a placé dans le rayon « romans fantastiques ». C'est vrai que, avouons-le, la jeune fille n'attire pas les regards avec sa simple présence (ça serait plutôt l'inverse), et elle fait fuir la majorité des gens. De plus, elle est connue pour avoir un caractère exécrable, particulièrement quand elle vient de lire un roman qu'elle n' a pas apprécié.
Et pourtant, si les gens tentaient de voir plus loin que ses mèches particulièrement rebelles et ses verres de lunettes griffés, ils s'apercevraient que la jeune femme possède des yeux troublants. Des iris turquoises et expressives auxquelles personne ne peut résister, et qui dégagent une certaine candeur. Pride doit, faut-il croire, avoir ce que l'on appelle à juste titre une âme d'enfant...

« Le silence. Des pas qui le brisent. Lentement se dessine une silhouette qui sort de l'ombre, se dessinent ses traits comme un dessin sur une feuille vierge. La bibliothèque parait entièrement vide, et tu ne peux t'empêcher un sourire. Tu es habituée à la solitude, et le moindre soupir te parait bruyant, alors tu souris face à la nostalgie qui te gagne quand tu ressens cette sensation de mutisme absolu. Seulement, tu sais que tu n'es pas seule, alors tu continues ta course vers la chaise qui t'accueille tous les jours, tout en affichant l'air sévère que tu t'obliges à garder.
Des murmures parviennent à tes oreilles, et lentement une moue contrariée se peint sur ton beau visage, et tu stoppes tes pas. Tu t'élances vers la source de bruit, avec la même discrétion étonnante dont tu as toujours fais preuve. Tu n'aimes pas le bruit, et pourtant, tu laisses éclater ta voix dans la petite bibliothèque confinée, les ondes sonores résonnant contre les murs et revenant jusqu'à tes oreilles. Tu n'aimes pas crier, mais tu ne peux échapper à ta réputation.
Les élèves que tu viens de réprimander te reconnaissent, et se taillent en vitesse comme s'ils avaient le diable aux trousses. Ce qui, te dis-tu avec une ironie morbide, n'est pas entièrement faux.
Tu te hais pour ta faiblesse. Tu reportes ta rancune sur les autres, tu essayes d'oublier tes erreurs de ton passé. Tu sais que les livres sont ton seul échappatoire à ce monde cruel, le seul endroit où tu te sentes vraiment chez toi c'est entre les lignes qui renferment un univers inaccessible à tes yeux. Mais tu ne peux rien faire, tu es coincée dans ton enfer.
Tu n'as pas toujours été comme ça, tu en es parfaitement consciente. Dans tes vieux jours, quand tu étais encore une adolescente, tu étais heureuse. Quand tu jouais avec tes pouvoirs en ignorant les conséquences, tu étais heureuse. Quand tu ne te rendais pas encore compte que tu n'étais pas un danger ambulant, tu étais heureuse. Tu étais quelqu'un de joyeux et d'énergique, tu as fait les 400 coups aux profs et tu t'en es vanté. Tu avais une panoplie d'amis que tu croyais fidèles. Ils t'aimaient peut-être à l'époque, mais ils ont tous fini par te craindre. Quand tu utilisais tes si beaux pouvoirs, ils te regardaient. Il s'attardaient souvent sur les expressions concentrées qui passaient sur ton visage : vacillant entre l'adulte et l'enfant. Pas totalement enfantin sans avoir perdu toute son innocence. Tu inclinais légèrement la tête, secouant au passage tes mèches anthracites en bataille. Elles te tombaient sur le nez, sur les yeux, sur la nuque. Elles rebiquaient, allaient dans tous les sens comme des herbes folles. Ils aimaient y mettre la main en t'appelant gamine, petite ou la mioche. Parce que tu étais jeune, parce que tu en avais l'apparence. On aimait bien t'embêter là-dessus avec tes joues roses et ton sourire rieur comme si tu avais encore dix ans, car tu étais encore convaincu que tu pouvais dominer le monde.
Maintenant, tu te caches derrière ton masque de fer, celui que tu as créé le jour de tes 15 ans. Tu ne crois plus en la vie, et tu en es parfaitement consciente. Alors tu attends, sans prendre position, sans vraiment y croire.»

Pride, à l'époque, portait bien son prénom. Maintenant, c'est comme s'il la narguait.

Personne ne sait rien à propos de son passé, ni de ce qu'elle a pu être ou faire avant d'intégrer l'académie. Elle demeure un grand mystère ambulant, qui malgré ses airs inoffensifs dissimule bien des choses.
Quand elle fut envoyée à Fairy Dream School Academy, la jeune fille se fit une réputation en un clin d’œil. Dès sa première semaine de cours terminée, elle était connue pour être une tête brulée et une incorrigible mauvaise élève. Elle avait déjà à cet âge là un fort caractère, et rapidement elle fut dans le collimateur de la plupart des profs. Cependant, la jeune fille était plus qu'excellente en classe. Intelligence ? Dévouement ? Peu importe les raisons, le résultat était bel et bien là, pour le plus grand malheur des enseignants qui souhaitaient lui rabattre son caquet à tout prix.
Son pouvoir, c'était le maniement des armes. Ou plutôt, elle avait la possibilité d'invoquer n'importe quelle arme blanche et s'en servir comme si elle s'entrainait avec depuis des années. Un pouvoirs impressionnant me direz-vous, mais sachez que ce n'est pas tout.
Même si peu de gens la prenaient au sérieux à cause de sa nature moqueuse, la jeune fille aimait afficher qu'elle possédait un pouvoir dont elle était fière. Elle combattait régulièrement des personnes venues la mettre au défi, bien que le plus souvent elle gagnait aisément.
Cependant, il y eut ce jour où, seule dans sa chambre, elle découvrit ce pouvoir. Celui qu'elle dissimulait au plus profond d'elle-même depuis sa naissance et qui venait de se déchirer, cette nuit où elle luttait pour ne pas sombrer dans le silence du crépuscule. Elle savait qu'elle ne devait pas laisser tomber, sous peine de ne jamais pouvoir reprendre conscience. Et elle savait que les conséquences étaient irréversibles.
Toutes les nuits, ce même pouvoir hantait ses rêves, l'empêchant de vaquer à un sommeil apaisant. Ce fut comme cela pendant plusieurs années, et la jeune fille commença à s'isoler afin de pouvoir contenir ses pouvoirs, et n'accepta plus aucun défi qu'on lui lançait. Sa réputation se ternit petit à petit, et finalement l'on oublia Pride, la fille à la fierté inébranlable.
Elle était parfaitement consciente que le seul endroit où elle était en sécurité afin de contenir ses pouvoirs étaient l'académie. Alors, à sa remise de diplômes, elle y resta, encouragée par le directeur, afin d'éviter tous risques. Elle fut engagée comme surveillante de la bibliothèque à cause de son savoir impressionnant sur l'art de la magie, mais aussi pour sa capacité à se faire respecter.
Cependant, la jeune fille a malgré elle contracté une nouvelle réputation dont elle se passerait bien : elle est maintenant connue sous le titre de la bibliothécaire effrayante, et à qui il vaut mieux obéir sous peine de se prendre un coup à l'arme blanche..